Le travail parlementaire et les assistants.
Le parachutage qui m’a valu le déménagement du jour au lendemain dans les bureaux à Bruxelles et à Strasbourg posait le problème de l’engagement d’un (e) assistant (e) et de l’organisation du secrétariat. L’atmosphère jeune et dynamique qui règne dans les couloirs du parlement Européen est due à une catégorie professionnelle non visible dans certains Parlements nationaux.
Au niveau national l’assistance parlementaire n’est souvent pas dotée de fonds suffisants, ainsi les collaborateurs des groupes politiques se retranchent dans les locaux des groupes et travaillent sous la surveillance du secrétaire du groupe, poste politique très prisé et en vue dans la politique nationale.
Au PE les émoluments pour accompagner les députés sont suffisamment dotés pour pouvoir se payer plusieurs assistants, secrétaires et en plus des stagiaires selon le cas. Dès le début cette fonction a fait couler de l’encre, pour le mal plus que pour le bien.
Le fait que certains parlementaires aient dépensé les salaires pour engager des proches et créer de vraies PME familiales au service de l ‘Europe, a abouti à la création de la fonction officielle de l’assistant parlementaire sous surveillance de l’administration du PE, tout en laissant une liberté de choix au député nouvellement élu.
La nouvelle législature devra prouver que le nouveau système évite des malversations et des abus flagrants.
Mes débuts étant un peu bousculés, il m’a fallu plusieurs mois avant d’avoir une organisation satisfaisante de mon bureau, avec une secrétaire résidant à Bruxelles et des assistants de provenance diverse, recruté selon la compétence dont j’avais besoin et selon la disponibilité de jeunes intéressés à travailler à des horaires irréguliers et à s’entendre à trois ou quatre dans un bureau de 20 m 2.
Au fil du temps la demande de jeunes universitaires de faire des stages m’a apporté des forces de travail supplémentaires et en 5 ans une vingtaine de jeunes de provenances diverses ont transité dans mes bureaux.
Le travail parlementaire se développe au fil des travaux en commission, 20 commissions spécialisées, et les délégations pour les relations internationales. Dès les premiers débats d’un texte en commission le tâtonnement sur la position des groupes politiques, les défenseurs de lobbies, les intérêts nationaux se fait remarquer.
Les commissions siègent en public, ce qui veut dire qu’à part, les parlementaires, dont la présence est souvent clairsemée lors d’une première présentation par la commission ou même la première discussion, sont présents les assistants parlementaires des députés absents, les lobbyistes admis au PE, les membres représentant le Conseil des Ministres, les représentants de la commission, les assistants des groupes parlementaires et les spécialistes en charge du dossier.
Rien à voir avec les réunions de commission du Parlement national, où le huis clos était la règle et seulement admis les parlementaires avec le secrétariat officiel du Parlement et le ministre ou le fonctionnaire de l’administration gouvernementale.
La manière de siéger coram publico n’a en rien contredit le reproche du manque de transparence, de l’opacité de la prise de décisions au niveau européen. Alors que le PE traite les travaux à « livre ouvert » et ni le Conseil des Ministres ni la Commission admettent cette façon de siéger, ou l’appliquent rarement, elle n’est pas devenue synonyme de franchise, ni de courage démocratique. Et même un Conseil des ministres siégeant « en public » retrouvera la fameuse langue de bois, dans laquelle chacun débite le texte rédigé par l’administration nationale. L’absence de vrai débat politique se fait sentir dans les réunions du Conseil, et même s’il siège à huis clos parfois les ministres attendent le déjeuner pour aborder certaines choses délicates, dans une atmosphère plus conviviale.
Les travaux de commission au PE reflètent des positions évolutives. Parfois d’une discussion à l’autre les opinions ont fortement changé de cap, sous l’influence des groupes de travail qui fonctionnent à l’intérieur de chaque groupe politique. Le travail qui se fait dans ces réunions, convoquées souvent le soir après les réunions de commissions, ou à d’autres moments inhabituels, permet aux coordinateurs, des députés responsables de coordonner les travaux entre le groupe politique et les mandataires siégeant dans les commissions spécialisées de faire avancer les choses. Dans ces réunions de travail, la traduction n’est pas assurée. Tous doivent s’exprimer en anglais. Vu la complexité des thèmes traités cela est parfois difficile, d’autant plus qu’on est confronté à différentes prononciations de la langue de Shakespeare.
Irlandais, Ecossais, Britanniques des différentes régions, et tous les autres qui s’efforcent de parler tant soit peu un Anglais correct, l’exception fait que de très rares occasions admettent des traductions simultanées en français et en allemand.
C’est le travail de conviction, la présence dans les groupes de travail est capitale si l’on veut se forger une solide réputation et connaître à fond le sujet. Ces réunions ne sont pas prises en compte par l’administration du PE pour l’évaluation des présences du député. C’est seulement le groupe politique qui s’occupe des statistiques de présence aux réunions de groupe et dans les groupes de travail.
Ainsi la publication de pourcentage de présences est à relativiser. À 100 % de présence dans les séances publiques, un député peut être champion, sans avoir jamais assisté à une réunion de travail, ou une réunion de son groupe parlementaire.
Que signifie d’ailleurs présence ? Quantifier le travail parlementaire par la seule présence lors de la séance publique c’est raccourcir le travail à la seule activité de l’écoute du débat et du vote. Or l’action politique a lieu avant la séance plénière et très souvent même en dehors des réunions parlementaires proprement dites.
Au PE l’absence lors du vote entraîne une diminution de l’indemnité. Reste à voire si cette manière de sanctionner sera appliquée avec le nouveau statut, qui ne prévoit plus l’indemnisation journalière pour frais de voyage et de séjour.
Le travail en commission est souvent accompagné d’auditions publiques, de séminaires , de déjeuners de travail, et, en cours de route, on a à faire à un lobbying informatif, agressif, intense, selon l’enjeu du sujet.