Strasbourg et Bruxelles
Ces deux villes, sièges du Parlement Européen ne se ressemblent pas. Ni les bâtiments, ni les villes et leur atmosphère. S’il pouvait paraître passionnant de siéger à tour de rôle dans des endroits totalement différents, on aura vite compris la grogne de ceux qui plaident pour le siège unique.
Privilégiée, un député du Luxembourg est à équidistance des deux endroits, 2 heures de voiture ! Le train, c’est autre chose, moins rapide, et plus compliqué… .les parkings étant par contre des plus confortables aux deux endroits. Vu qu’il y a une troisième ville siège du PE dont on ne parle pas si souvent, les luxembourgeois se sont abstenus dans les actions contre Strasbourg.Ils ont même essayé de plaider pour la capitale alsacienne et d’appuyer une action en sa faveur.
Le plaisir d’entendre des fonctionnaires qui ont vécu quelques années au Luxembourg s’exprimer en des termes très élogieux de cette période, ajoute à la justification de cette retenue.
Ce n’est en effet pas du domaine parlementaire de décider des questions de siège ! Qui aurait cru à ce développement lorsqu’en l953 il était question d’héberger la Haute Autorité de la CECA, et que le Luxembourg s’est déclaré prêt à héberger l’institution qui préparait la future communauté économique européenne, devenue par après l’union européenne de 27 pays membres !
Le triangle entre Strasbourg, Bruxelles et Luxembourg a resserré les liens avec les régions, avec les gens de frontière, avec un monde à part, gravitant autour des trajets, des problèmes de location, d’hôtels, de transferts de documents, et toute cette mobilité nécessaire et onéreuse à laquelle ont dû s’habituer les fonctionnaires.
Pour les députés le transfert d’un lieu à l’autre de tous les documents dont il a besoin pour la session à Strasbourg se fait par la cantine.
Mot magique, je ne comprenais pas au début comment une cantine pouvait transporter des documents. Je connaissais les cantines des écoles, avec les cantinières, les cantines dans les entreprises, et même au PE. Dans ce cas précis, une cantine est une grande boîte en métal, une espèce de malle à linge, mais solide et qu’on peut fermer à clé. C’est le bureau mobile du député, stocké à Bruxelles dans un espace aménagé sous une armoire faisant office de garde-robe, garde manger, bibliothèque, fourre- tout pour survivre quelques jours à 4 ou 5 selon le nombre d’assistants et de stagiaires de service dans un bureau de 20 m2.
Les cantines, ces bureaux mobiles donc, doivent être rangés à Bruxelles le vendredi précédant la semaine de session plénière, pour être transporté en temps utiles au bureau de chaque député dans la tour adjacente à l’hémicycle de Strasbourg.
En ce lieu, un espace est prévu spécialement à l’entrée du bureau, juste assez grand pour que la malle puisse y être rangée sans dépasser, sinon elle gênerait l’ouverture de la porte du bureau.
Un système simple et ingénieux. Je me suis demandée si les cantines avaient été conçues avant la conception de cette tour qui abrite les bureaux des députés à Strasbourg, et si l’architecte avait bien pris les mesurages des cantines pour dessiner les centaines de bureaux pour les députés, avec un minimum d’espace et la possibilité d’ouvrir le couvercle de la malle sans problème pour en retirer ce dont on a besoin.
En dépit de l’organisation informatique, le travail sur des documents en papier est encore la règle. Du moins pour le moment le papier semble encore indispensable.
Les Cantines jaunes sont celles qui sont utilisées pour le transport des documents dont on a besoin pour les séances des commissions. Ce sont les cantines officielles, qui servent au fonctionnement de la procédure législative. Il s’agit des textes traduits, des amendements aux projets, dans les 23 langues.
Pour chaque président de commission c’est la question clé :est-ce que les documents sont là à temps. Si un député n’a pas la version des amendements traduits dans sa langue, il peut demander de reporter la discussion et le vote. Ce genre de question préalable décale le débat proprement dit en un débat de principe, auquel participent volontiers les représentants des « petites » langues, qui se disent discriminés, mais aussi, et avec plus de poids les « nouvelles » langues, tchèque, polonais, roumain slovaque et slovène. Les Luxembourgeois peuvent se montrer en exemple, leur langue maternelle n’ayant pas été revendiquée comme langue de travail.