Un dossier compliqué, dont le débat est entaché d’émotions, de contre-vérités et du souci de la production de nourriture suffisante et saine, vient de passer le vote en commission de l’environnement au PE. Les ministres de l’agriculture ont arrêté leur position commune – 4 pays se sont abstenus – en août. Au premier texte de la Commission européenne, présenté en 2006 des changements notables ont été apportés. Une fois de plus le constat doit être fait que depuis la première directive votée en 1991, le contrôle de sa mise en place n’a été fait que très sommairement. Déjà la dénomination pose problème: pour les uns il s’agit de pesticides, pour les autres de produit phytosanitaires.
En fait c’est un peu des deux. Sauf que pour combattre les maladies des plantes il peut être fait recours à certaines alternatives, biocides et autres, mais que les produits toxiques développés par l’industrie chimique restent en résidus dans l’alimentation, dans les cours d’eau, les nappes phréatiques, et sont susceptibles de générer des cancers et d’autres maladies de plus en plus fréquentes, dont les causes ne sont pas encore prouvées avec certitude. Cercle vicieux! Comment produire une alimentation saine, à quantités suffisantes, à des coûts abordables, et que faire pour traiter les maladies des plantes avec soin et modération? Si les produits élaborés par l’industrie chimique n’étaient pas toxiques, pas besoin d’en réglementer l’usage, ni d’en réduire les quantités. Et c’est là où le bat blesse.
Depuis la dernière directive les recherches des grands groupes de l’industrie se sont plutôt orientées vers des développements d’organismes génétiquement modifiés (OGM), de produits à base d’hormones et de traitement des semences, engendrant de nouveaux problèmes, comme p.ex. les effets désastreux sur la reproductivité et la mortalité des abeilles. La complexité de cause à effets devrait soumettre les décisions à des critères scientifiques, incluant aussi le calcul des risques à long terme. L’étude d’impact sur la santé humaine élaborée pour le parlement prouve qu’il est temps d’agir. Mais à cela les polémiques n’apportent que la confusion. Les agriculteurs ne sont d’ailleurs pas les seuls concernés. Parmi les utilisateurs de pesticides figurent aussi les villes et communes, les chemins de fers, les jardiniers. Qui dit marché dit concurrence! Que de lobbying fait par les grands groupes pour exclure la concurrence, pour évincer les petits distributeurs agréés seulement à force de nombreuse entraves commerciales. Pas question d’introduire une approche basée sur le risque: les purs et durs défenseur de la lobby chimique veulent la certitude! Ainsi il faudrait attendre des expériences faite sur des humains pour prouver que les substances « perturbateurs endocriniens » ont une influence sur la fertilité déficiente des jeunes générations!
Loin d’avoir banni toutes les substances toxiques, des compromis ont pu être élaborés, agrées par les gestionnaires des stations d’épuration entre autres…car l’état de pollution des eaux est directement dépendante de l’usage des pesticides. Le prix de l’eau potable y sera lié, raison de plus de veiller à un usage judicieux des produits toxiques. D’ici au 2e vote en plénière, où le PE devra s’exprimer aux deux tiers de majorité pour que la réglementation de l’autorisation puisse être clôturée, les pressions des lobbys vont bon train.
Les consommateurs se trouvent dans leur collimateur. Et à l’instar de la crise financière, où le manque évident de calcul du risque a abouti à l’effondrement d’investissements « fiction », le risque pour la santé et les dépenses engendrées par l’utilisation excessive de produits toxiques aura un coût. Différé, il est vrai, car en attendant, le chiffre d’affaire de certains groupes chimiques est à la hausse….
Ce seront les caisses de maladie qui payeront pour les dégâts.