Si l’Union européenne, pluraliste et diverse, se distingue depuis longtemps par sa capacité à explorer le monde des valeurs intellectuelles, elle a souffert au cours de son histoire des excès commis au nom de la religion et reste aujourd’hui plus que jamais une cible pour les extrémistes, a déclaré Gunnar Hökmark, vice-président du groupe PPE-DE, en ouvrant ce séminaire. Le commissaire européen Jan Figel, responsable de l’éducation et de la formation, de la culture et de la jeunesse, a qualifié de « délicates » et « sensibles » mais néanmoins nécessaires les discussions autour de la religion et de la culture. L’élargissement progressif de l’Union européenne, qui s’est d’abord bâtie sur des fondements économiques, pour créer un espace commun de libre-échange, a donné naissance par la même occasion à une diversité culturelle et religieuse toute particulière. Cette évolution oblige aujourd’hui les citoyens européens à approfondir le dialogue et à réfléchir aux valeurs fondamentales qui les unissent, des valeurs de paix, de tolérance, de liberté et d’ouverture aux autres. Le dialogue interreligieux occupe une place prépondérante dans cet échange, a ajouté le commissaire, avec l’espoir de voir émerger une véritable société interculturelle et pas seulement une société multiculturelle où les différentes communautés se côtoient sans se mélanger: « Unir des hommes est plus difficile que de nouer des alliances (économiques) », a-t-il souligné. Les événements organisés dans le cadre de l’année du dialogue interculturel devront mettre l’accent sur l’ouverture aux autres via les arts et la culture, mais aussi dans d’autres domaines importants comme l’éducation, les médias et la religion, estime M. Figel. M. Edmond Israel, grande figure du monde de la finance au Luxembourg et membre du Conseil des gouverneurs de ASEF (Asia-Europe Foundation), a invité au dialogue les trois grandes religions monothéistes (christianisme, judaïsme et islam), dialogue qui doit se faire dans le plus grand respect de l’autre et sans sous-entendu moralisateur. C’est précisément le manque d’un réel respect de l’autre qui fait le terreau de l’extrémisme, a souligné M. Israel. Il espère à l’avenir voir émerger une nouvelle conscience planétaire qui se traduira par un comportement plus responsable et une plus grande solidarité de l’humanité, processus qui doit impérativement associer les jeunes. M. Bekir Alboga, coordinateur des musulmans en Allemagne, a déploré les agissements des groupements extrémistes qui utilisent la religion à des fins de propagande anti-démocratique. Leur combat n’a rien de religieux, mais poursuit des objectifs guerriers de déstabilisation politique, et il est difficile dans de telles conditions de percevoir aujourd’hui le message de tolérance du Coran, a déploré M. Alboga. « Au nom de notre religion, on tue des innocents. On rejette cette interprétation de l’islam qui intègre la notion de liberté », a-t-il insisté. Selon lui, « il existe beaucoup de points communs entre l’islam, le catholicisme et le judaïsme », et ces bases communes doivent permettre d’instaurer un dialogue positif entre communautés. Les musulmans qui vivent en Europe sont conscients des craintes suscitées par l’enseignement du Coran aux plus jeunes mais c’est justement l’éducation des vraies valeurs du Coran qui permettront à ceux-ci de ne pas se laisser entraîner sur la voie de l’extrémisme, a poursuivi M. Alboga, non sans souligner que les musulmans modérés étaient eux-mêmes les premières cibles de la mouvance Al-Quaïda. « On espère que notre appel au dialogue sera entendu », a-t-il souhaité.
Un échange culturel n’est possible que s’il existe une volonté réelle d’entamer un dialogue, ont convenu les participants en conclusion. Dans ce processus, un rôle particulier incombe à l’Union européenne: mettre à disposition des moyens nécessaires, y compris financiers, pour faciliter plus de mobilité et d’échange de connaissances entre les citoyens de l’UE. Par ailleurs, l’Europe devrait offrir une plate-forme pour lier les réseaux existants d’échanges interculturels au lieu de créer encore de nouvelles structures, commissions et agences. L’objectif de toutes ces mesures devrait être la promotion continue du dialogue interculturel sans interférence nationale. « Si les gens doivent apprendre à mieux vivre ensemble, alors cela implique, à mon avis, expressément une dimension religieuse. Pour cela, le concept de l’amour du prochain offre un point de départ approprié parce que, contrairement au pur individualisme ou laïcisme, le dialogue entre les peuples est un privilège particulier des religions », a conclu Erna Hennicot-Schoepges. (I.L.)