Suite à l’incarcération d’une journaliste kurde au Luxembourg, j’aimerais poser à la Commission les questions suivantes:
Quel est le degré de protection que la législation européenne confère à un citoyen en détresse qui demande asile dans l’un des pays de l’Union européenne?
Une demande d’obtention du statut de réfugié peut-elle être suspendue par un mandat d’arrêt international?
Comment l’État membre auquel est adressée la demande peut-il juger en connaissance de cause s’il y a lieu ou non d’appliquer l’article 1F de la Convention de Genève s’il est de notoriété publique que le demandeur d’asile appartient à une opposition militante dans son pays d’origine?
Quand la qualification de terroriste peut-elle être appliquée à une personne?
Réponse de la Commission
Les instruments juridiques communautaires applicables aux ressortissants de pays tiers ou aux apatrides qui ont déposé une demande de protection internationale (statut de réfugié ou protection subsidiaire) dans un État membre sont les suivants :
Directive 2003/9/CE du Conseil (la directive « conditions d’accueil ») ,
Directive 2004/83/CE du Conseil (la directive « conditions requises ») , et
Directive 2005/85/CE du Conseil (la directive « procédures d’asile »”) .
On notera que le délai de transposition dans les États membres des deux dernières de ces directives court encore. Il expire le 10 octobre 2006 pour la directive « conditions requises » et le 1er décembre 2007 pour la directive « procédures d’asile ».
Il est toutefois important de rappeler les diverses dispositions des directives susmentionnées qui précisent les conditions d’octroi de la protection aux demandeurs de protection internationale, y compris les critères d’exclusion, ainsi que les possibilités en matière de détention, d’extradition ou d’expulsion dont disposent les États membres.
La directive « procédures d’asile » introduit un cadre communautaire de normes minimales pour les procédures d’octroi du statut de réfugié. À son article 7, la directive prévoit que les demandeurs peuvent demeurer dans l’État membre où ils ont déposé leur demande tant que l’autorité compétente de première instance n’a pas statué sur cette demande. Selon le paragraphe 2 du même article, les États membres peuvent néanmoins déroger à ce droit de séjour « si une personne est, le cas échéant, livrée à ou extradée vers, soit un autre État membre en vertu des obligations découlant d’un mandat d’arrêt européen ou pour d’autres raisons, soit un pays tiers, soit une cour ou un tribunal pénal(e) international(e) ».
De plus, selon l’article 23, paragraphe 4, point m), de la même directive, un État membre peut examiner une demande selon une procédure accélérée lorsque le demandeur représente un danger pour la sécurité nationale ou l’ordre public de cet État membre.
À cet égard, il convient d’ajouter que selon l’article 7, paragraphe 3, de la directive conditions d’accueil, « lorsque cela s’avère nécessaire, les États membres peuvent obliger un demandeur à demeurer dans un lieu déterminé conformément à leur droit national, par exemple pour des raisons juridiques ou d’ordre public ». La même directive prévoit, à son article 21, paragraphe 1, que « les décisions prises en vertu de l’article 7 qui affectent individuellement les demandeurs d’asile puissent faire l’objet d’un recours dans le cadre des procédures prévues dans le droit national. Il est prévu, au moins en dernière instance, la possibilité de voies de recours devant une instance juridictionnelle ». Cette disposition doit être lue en combinaison avec l’article 18, paragraphe 2, de la directive procédures d’asile, qui stipule que « lorsqu’un demandeur d’asile est placé en rétention, les États membres veillent à prévoir la possibilité d’un contrôle juridictionnel rapide ».
La directive « conditions requises » énumère de façon détaillée les critères sur la base desquels les demandeurs peuvent obtenir le statut de réfugié ou bénéficier de la protection subsidiaire. Conformément à la convention de Genève et à d’autres instruments pertinents de protection des droits de l’homme, elle définit également de manière exhaustive les motifs justifiant le refus d’accorder aux demandeurs le statut de réfugié ou la protection subsidiaire (à ses articles 12 et 17). Parmi ces dispositions, celles pouvant avoir une pertinence particulière en ce qui concerne les infractions terroristes sont les suivantes :
– l’article 12, paragraphe 2, points a) et b). Il prévoit de refuser à un demandeur le statut de réfugié lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il a commis, avant d’être admis comme réfugié, un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité ou un crime grave de droit commun en dehors du pays de refuge;
– l’article 17, paragraphe 1. Il prévoit de refuser au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, un crime grave ou qu’il représente une menace pour la société ou la sécurité de l’État membre dans lequel il se trouve.
Dans la mesure où l’article 12 de la directive s’inspire du contenu de l’article 1F de la convention de Genève, les États membres peuvent se référer, pour son interprétation et son application, au guide des procédures et critères relatifs à la détermination du statut de réfugié et aux principes directeurs sur l’application des clauses d’exclusion publiés par le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), ainsi qu’aux autres documents pertinents provenant du HCR, en particulier les documents et les notes d’information qu’il a élaborés à l’attention de son Comité permanent ou dans le cadre du processus de consultation qu’il a engagé à l’échelle mondiale..
De plus, la directive « conditions requises » précise, à ses articles 14 et 19, les motifs sur la base desquels un État membre peut révoquer une protection déjà octroyée, voire y est obligé, motifs qui incluent l’existence d’une menace pour la sécurité ou la société de cet État membre. À cet égard, il convient de noter que selon le considérant 28 de la directive, la notion de sécurité nationale et d’ordre public couvre également les cas dans lesquels un ressortissant d’un pays tiers appartient à une association qui soutient le terrorisme international ou soutient une telle association.
Cette directive réaffirme également la nécessité de respecter le principe de non refoulement et de veiller à ce qu’aucune personne ne soit renvoyée dans un pays où elle peut être persécutée. Elle prévoit cependant, conformément à l’article 33, paragraphe 2, de la convention de Genève, certaines exceptions à la protection contre le refoulement. Son article 21 stipule en particulier que lorsque cela ne leur est pas interdit en vertu des obligations internationales, « les États membres peuvent refouler un réfugié, qu’il soit ou ne soit pas formellement reconnu comme tel : a) lorsqu’il y a des raisons sérieuses de considérer qu’il est une menace pour la sécurité de l’État membre où il se trouve, ou b) que, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre ».
À cet égard, il faut souligner qu’indépendamment de la transposition de ces directives en droit national, les États membres restent tenus de respecter leurs obligations particulières (notamment en matière de protection contre le refoulement) découlant d’instruments de droit international comme la convention de Genève, la convention des Nations unies contre la torture ou la convention européenne des droits de l’homme.
Enfin, en ce qui concerne la définition et l’application de la notion de « terroriste », il faut rappeler qu’il n’existe toujours pas de définition internationalement reconnue du terrorisme. Au niveau de l’UE, la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme fixe néanmoins des règles minimales concernant les éléments constitutifs des infractions terroristes et des infractions relatives à un groupe terroriste que les États membres doivent intégrer à leur législation nationale.