Ainsi se termine le commentaire rédigé quelques mois après que j’ai quitté délibérément le PE. Il y aurait eu beaucoup d’autres commentaires à faire, des épisodes de travail intensif à commenter. Lorsque j’étais co-rapporteur de la réglementation sur l’interdiction des pesticides… j’étais pratiquement seule au PPE à me battre contre les lobbyistes de l’agro-alimentaire, de l’industrie chimique, les invétérés anti-écologistes. J’avais réussi à trouver un compromis avec la rapporteure écologiste- obtenu par le vote en plénière de quelque 200 amendements- ce qui a finalement été un pas en avant pour la protection des espèces.
J’ai quitté le PE parce que j’ai ressenti la faiblesse réelle de l’institution, qui ne peut exercer un pouvoir de contrôle, élément essentiel de tout régime parlementaire. Le suivi de la législation n’est pas assumé. Souvent les directives, élaborées moyennant un investissement énorme en temps de travail et de négociation entre les institutions, sont transposées en droit national longtemps après et avec des changements, motivés par l’intérêt « national », de sorte qu’il en reste peu de l’idéal européen.
Le Parlement européen est devenu institution « de luxe », laissant au parlementaire une liberté totale et des moyens considérables. Il me manquait le terre à terre, la relation avec le citoyen de tous les jours qui ne comprend pas le jargon européen. Le travail dans la bulle de Bruxelles a été un passage dans le monde artificiel d’un système qui n’a pas encore trouvé son assise véritable. Et par ailleurs, ne faudrait-il pas réfléchir quant au fond sur le fonctionnement du système démocratique, qui risque de s’enliser dans le réseau fermé des « professionnels », immuables, déconnectés de leurs électeurs, qui eux ne connaissent même plus leurs députés européens. En voulant tout régler dans le moindre détail, la politique européenne s’enlise dans un travail d’experts. Le député a les moyens pour s’entourer d’experts….qui, face aux experts de la Commission et aux lobbyistes auront un vrai travail de fourmi à faire. Le résultat final, le vote en plénière, sera le résultat d’un travail de communication entre les groupes politiques, et les députés individuels. Le texte final s’en ressent, la version anglaise fait foi, les traductions expliquent certains malentendus. Chaque texte est une avalanche de compromis,
ce qui explique la lourdeur du jargon européen.
Le citoyen ne comprend plus, c’est une des raisons pour lesquelles il se détourne de plus en plus de l’Union Européenne. Pour sauver l’idéal européen il faudrait repenser le système des démocraties parlementaires, réagencer le Parlement européen avec les parlements nationaux, reformuler les idéaux communs…mettre à la barre de vrais idéalistes et une opinion publique engagée et forte de la conviction qu’il n’y a pas d’alternative à une Europe unie basée sur l’état de droit et la démocratie parlementaire.