Le modèle luxembourgeois.
Un modèle spécial, issu en temps de crise, mais toujours d’actualité… la culture du gouvernement par consensus s’est révélée hautement bénéfique pour le développement du pays. Pour y arriver, il fallait l’assentiment de tous les acteurs de la vie publique et économique. Déjà au début du siècle passé le Grand Duché avait créé son propre modèle de cogestion, qui en créant les chambres professionnelles, et en les associant de près à la législation, a donné voie au chapitre, non seulement au pouvoir législatif, mais aussi aux représentants du monde économique, patronat et salariat confondu. Il semble que cette construction repose sur du sable mouvant pour cette crise du vingt-et-unième siècle, à en juger d’après les communiqués de presse des différents partenaires. Le Premier ministre, en habile négociateur n’aura pas la tâche facile. En cernant clairement les limites des sujets abordés, il a laissé une part importante au législateur, qui sera appelé à prendre sa responsabilité pour le budget de l’état, les investissements publics et la grille des salaires de la fonction publique. Les déclarations tonitruantes des partenaires sociaux laissent au citoyen lambda l’impression d’un campement sur les droits acquis, coqueluche luxembourgeoise, menace de tout changement, voire de tout progrès…
Antinomie évidente, comment peut-on avancer si le seul souci réside dans la conservation de l’acquis? On ne devrait tout de même pas avancer la thèse que l’ensemble des partenaires sociaux seraient des conservateurs invétérés! Sauver le modèle social et à la fois faire avancer le pays, moderniser ses infrastructures, innover son tissu économique, relever le défi d’une nouvelle ère informatique, prendre soin de la place financière et défendre l’industrie sidérurgique contre la logique mondialiste de son patron, en voilà des défis qui nécessiteront une grande concentration pour l’action. Tous ensemble avancerons, ou tous ensemble périrons! L’interdépendance consciente a fait le succès du modèle luxembourgeois. Ce succès peut se prévaloir d’une grande stabilité de paix sociale! Ne la mettons pas en danger! Que diraient les entreprises, si en l’absence du mouvement concerté des grands syndicats
les actions sectorielles auraient gain de cause? Si tantôt le secteur sidérurgique, tantôt celui du bâtiment se mettait en grève, sans parler des transports ni des autres services publics? Le tripartisme a bien réussi à éviter cet éparpillement. Il sera évident que les intérêts divergents des partenaires ne devront pas bétonner l’incompréhension vis à vis de la situation de l’autre. Responsabilité partagée, le soucis de protéger les plus faibles devrait être partie intégrante pour tous les secteurs, inhérent à la culture de cohésion sociale. Or il semble que depuis la réforme du statut unique cette cohésion s’est effritée! Un patronat qui se serait vu dupé par le négociateur, et qui au pied du mûr aurait dû avaler la pilule? Et les syndicats s’offusquent de voir l’indexation des salaires bloquée, manipulée, depuis les derniers accords! Et les fonctionnaires qui réclament depuis 20 ans une réforme de leur grille de salaires, mais il est vrai que ceci ce n’est pas l’affaire de la Tripartite, le gouvernement et la chambre des députés en feront bien la pièce maîtresse de cette législature! Et pendant ce temps la vulnérabilité de l’emploi fait rage,
le chômage affiche des records. Vouloir commencer par faire de l’économie sur le dos des travailleurs frontaliers relève du pur cynisme. Les partenaires de la Tripartite auront cette fois-ci l’occasion de se montrer à la hauteur de l’autre dénomination qu’on leur prête : les forces vives de la nation! Ils ne le feront pas en restant sur leur position, ni en délégant la responsabilité sur les autres…