Un nouveau pays, une naissance, la décision d’un peuple qui a voulu s’affranchir. De l’oppression, du déchirement ethnique, de la violence, de l’affrontement et de la cruauté. Trop nombreux, ceux qui ont quitté le pays, qui sont devenus demandeurs d’asile et réfugiés. Brûlés, abandonnés, leurs maisons, leurs cimetières. Pristina, lieu synonyme de massacres, de défaillances des soldats venus en guise de protecteurs, sans pouvoir empêcher les viols et les violences. Cette guerre du 21e siècle, juste à son tournant, elle a explosé, a été comme d’autres guerres, le lieu de l’affrontement de religions et d’ethnies différentes, le refus de vivre ensemble comme jadis sous la poigne du dictateur Tito qui avait réussi à maintenir sous son joug un ensemble de pays différents mais semblables. Parce qu´il voulait tenir tête aux grands blocs de l’Europe communiste et de son opposé, constitué de nations libres et indépendantes.
C’est une leçon d’histoire, jalonnée de mémoire ancienne, de mythologie. Ottoman vainqueur de la Serbie au Kosovo en 1389, histoire embrouillée par les Albanais vivant dans la région et qui se clament les premiers descendants des Illyriens qui étaient là avant les Serbes… Mais c’est avant tout l’histoire récente qui donne des perspectives pour une paix durable, car depuis la mort de Tito, et surtout après les progrès de l’Union européenne, la Slovénie et la Croatie se sont libérés. Un autre chef, Milosevic, a retiré l’autonomie à la Province indépendante qu’était le Kosovo dans l’ancienne Yougoslavie. Et la violence systématique a éclaté en guerre, accompagnée de l’intervention des résolutions européennes et internationales qui ont abouti finalement au contrôle civil et sécuritaire international, retenu dans la résolution 1244 de l’ONU.
Serait-ce maintenant la fin des hostilités? La paix aux Balkans? « La lutte ne finit pas aujourd’hui, elle commence ». Cette affirmation des Kosovars serbes décrit toute l’envergure de cette déclaration d’indépendance. Et jalousement, les deux parties observeront qui seront leurs nouveaux alliés: pour l’indépendance du Kosovo serait implicitement une déclaration contre la Serbie! Ce n’est cependant pas aussi simple que ça! En effet, rien n’est simple, limpide, transparent dans cette partie de l’Europe où les conflits ethniques ne se sont jamais apaisés. Reste à voir si un jour les chefs coupables ne pourront plus se soustraire au jugement du tribunal international. Toutes les pressions politiques ont été inefficaces. Quels seront dès lors les moyens d’intervention de l’Union européenne – qui est elle-même en désaccord sur la reconnaissance diplomatique du nouvel état? Et les minorités actives et unies dans d’autres pays ne réclameront-elles pas les mêmes droits, le même soutien de forces internationales? Le langage a forgé le mot de « balcanisation », qui veut dire morcellement d’unités politiques.
L’éclatement de l’Europe telle qu’elle s’est reconstituée après la 2e guerre mondiale, risque-t-il d’être la conséquence de la reconnaissance du Kosovo comme état libre et indépendant? Dès à présent, ce n’est qu’une semi indépendance, le nouveau pays ne sera pas admis dans les instances internationales. Jamais la Russie ni la Chine ne seraient d’accord.
Mais quelle aurait été l’alternative? À Chypre, le conflit a été étouffé par une occupation militaire, en Espagne, le terrorisme rappelle toujours les revendications d’indépendance du Pays Basque, l’Irlande du Nord a pu, après des décennies meurtrières, trouver un terrain d’entente. Déjà, la minorité turque en Allemagne est appelée à ne pas se soumettre à une autre culture en oubliant la sienne.
Rarement, quand les conflits sont en pleine recrudescence, on se rappelle que leur origine est le manque de savoir vivre ensemble, de l’acceptation au-delà de la tolérance.
21/02/2008
Le Jeudi