Les récentes statistiques sur la situation des enfants dans les 27 pays de l’Union européenne l’ont révélé. Pour 19 millions d’enfants, la situation dramatique de la pauvreté est constatée. Les statistiques sont révélatrices pour un autre phénomène qui défraie les chroniques des journaux jour pour jour: le mauvais traitement infligé aux enfants par leurs parents. Les petits morts dans des conditions incroyables, indignes d’une société civilisée sont les tristes témoins d’un monde à la dérive.
Désormais, nous savons que pour 19 millions d’enfants, l’avenir est compromis, car la pauvreté c’est aussi l’exclusion, c’est le calvaire journalier d’affronter la société de consommation, c’est le manque de l’essentiel. La pauvreté sans perspectives, associée souvent à l’exclusion des parents, pauvres de père en fils, c’est la gangrène des sociétés riches. Depuis 6 ans, la pauvreté des enfants ne cesse d’augmenter dans l’Union européenne. Liée à l’ouverture aux 12 nouveaux pays membres, les explications rapides des chiffres tentent de minimiser le problème. Une étude de la Commission européenne a fait l’analyse que 10% des enfants vivent dans des ménages sans emploi. En 2006, 19% des enfants vivaient en dessous du seuil de pauvreté. La Commission a proclamé l’année 2010 comme « Année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ».
Une fois de plus, ce sera l’occasion de faire le point, de réfléchir à des politiques d’appoint, au replâtrage de la jambe cassée pour ainsi dire! Ne serait-il pas utile de faire l’analyse des politiques sociales mises en route depuis un quart de siècle? Jalonné d’assurances, sécurité sociale, chômage, dépendance, revenus minimum garantis, le développement industriel a produit des richesses, certes, mais le nombre des laissés pour compte ne cesse d’augmenter. Et ceci en dépit des politiques sociales mises en place. Le revers des avancées technologiques serait-ce immuablement le décrochage d’une partie de la population?
Lorsque Jacques Delors, président de la Commission européenne de 1985 à 1994, a tiré la sonnette d’alarme sur le phénomène de l’exclusion, il avait des propositions très concrètes à faire. Créer l’emploi par la mise en route en commun, au niveau européen, à 15 à l’époque, des grands travaux. Les infrastructures de communication transeuropéens, routes et voies ferrées, auraient créé des milliers d’emplois. L’emploi allégé des charges, et l’imposition des revenus des capitaux augmenté, aurait aidé à rééquilibrer les déficiences d’une économie basée sur la consommation.
Les gouvernements de l’époque n’ont pas suivi les conseils de ce grand européen, socialiste de conviction chrétienne, plaidant pour un monde plus juste. La pauvreté transmise comme tare d’une génération à l’autre n’a plus le même visage que la pauvreté qui permet encore des perspectives d’avenir. Aujourd’hui, la question de l’efficacité des politiques sociales est un enjeu majeur. Ne devraient-elles pas être plus qu’une aumône, un droit sans dignité, un relais sans correspondance ultérieure? Quelle pourrait être la perspective d’une nouvelle politique sociale créée comme un investissement sur les générations futures, sur les enfants plus spécifiquement?
La précarité des enfants qui ont grandi sans jamais voir leurs parents aller au travail ne se mesure pas en pertes simples. L’aide sociale sera d’autant plus efficace, qu’elle réapprend aux jeunes la fierté du travail bien fait et la conscience d’être soi-même responsable et capable de la réussite. Ce sera un travail d’éducation, de longue haleine dont la société aura le bénéfice. Quant aux changements que proposait jadis un président de la Commission, n’auraient-ils pas été une solution pour éviter des millions de chômeurs? Et taxer davantage les revenus des capitaux que les revenus du travail ne serait-ce pas la mise en œuvre des principes de la doctrine sociale de l’église?
Les 19 millions d’enfants pauvres ne seront pas les électeurs des partis qui ne professent le changement que du bout des lèvres. Faut-il dès lors s’étonner du retour des partis extrémistes et contestataires sur la scène politique?
28/02/2008
Le Jeudi