Désarroi, attente, impatience, le non de l’Irlande a encore une fois ébranlé le vaisseau européen dans sa route vers Lisbonne. Et comme lors des refus français et néerlandais, on cherche les explications, les raisons. Et comme précédemment il est constaté que les mêmes fautes se répètent, surtout en ce qui concerne le discours européen, ou plutôt le discours sur l’Europe dans ses pays membres. Il y aurait matière à analyse pour les psys, car les dossiers européens présupposent la connaissance des problèmes des autres, la raison pourquoi on a décidé « à Bruxelles » de la manière dont on l’a fait. Rarement, il est fait état de la présence de tout le monde autour de la table lors des négociations, et bien sûr on n’a pas intérêt à expliquer tous les détails des pourparlers, c’est long et compliqué. Et ainsi les stéréotypes vont bon train. Accusés : la bureaucratie de Bruxelles, dont on devrait savoir qu’elle n’est pas différente de toute fonction publique des Etats membres, c’est comme si l’on n’acceptait pas l’exécution des décisions par des spécialistes, bien formés et attachés à l’administration. En cela Bruxelles ne diffère que très peu des autres capitales, sauf que s’occuper des problèmes qui concernent 450 millions de citoyens, c’est un peu plus grand. Et voir grand, on ne l’a pas appris, évolués dans le cadre local et national, on n’a que faire des problèmes des autres….Et c’est précisément cela qui est la cause de l’impopularité du modèle européen. Il oblige à la solidarité, pour le meilleur et pour le pire. Dans les questions environnementales il nous obligera à être soucieux des ressources, des émissions de CO2, du réchauffement climatique.
Le citoyen semble se sentir très éloigné de toutes ces « grandes » décisions, qu’on lui explique seulement quand il y aura la transposition en droit national, longtemps après les négociations à Bruxelles.
Et l’incapacité de penser et d’agir à plus long terme est le fait de la démocratie avec ses échéances, de 4 ou de 5 ans, lors desquelles les bilans se feront. Etre réélu, voilà l’intérêt des chefs d’états et de gouvernement, de leurs assemblées parlementaires du PE… bientôt aussi de la Commission de Bruxelles et de son président ! Le peuple serait-il incapable de comprendre des phénomènes complexes ? Alors il n’a pas été éduqué à la chose publique qui le concerne dans les démocraties que nous sommes. Cobayes d’un modèle politique unique de l’humanité, nous devrions dire aux citoyens que c’est la première fois qu’une union est fondée sur le droit. Que ce n’est pas la loi du plus fort qui l’emporte, mais que chacun a ses droits individuels, en tant que nation et en tant que personne. L’Union européenne est par la force des choses soucieuse des intérêts de chaque pays. Si l’intérêt commun l’emporte parfois sur les revendications isolées, la raison se trouvera dans l’obligation de faire des compromis.
Hélas, on ne parle que de l’Europe lorsqu’il y a problème. Et lorsque certains dossiers européens sont difficiles à expliquer l’argument massue des eurosceptiques sera l’élargissement. L’entrée de la Turquie se prête à merveille pour des propos émotionnels… parions que désormais la Croatie sera également mise sur la sellette, ayant évincée les grands de la plus prestigieuse manifestation sportive de cette décennie…
Le non de l’Irlande rappelle bien que les petits ont leur mot à dire. Raison de plus pour conforter les autres « petits », et obligation de bien analyser les causes du non, le sentiment viscéral qui guide des réactions collectives.
Les problèmes de fermiers à ne pas négliger, la corruption dont le B. Ahern, l’ancien premier Ministre serait coupable, lui étant le signataire et l’architecte des derniers textes, la campagne moralisatrice qui prétendait que l’UE autoriserait l’avortement en Irlande et le mariage des homosexuels…
L’analyste trouvera que le mode de penser diffère et l’éloignement des mentalités rappelle le principe de la diversité et de son acceptation. A vrai dire aurait-on pu commencer par la culture ? On n’en serait pas encore là, car « unir des hommes » sera beaucoup plus difficile que « coaliser des états », disait Jean Monet.