Les familles des victimes sont déçues, au moins la mort de leurs bien-aimés aurait été « vengée » – encore que un monde nous sépare de ces pratiques de vengeance subsistant encore dans ces régions de l’Europe qui nous sont devenues plus proches depuis la guerre que l’Europe n’a pas pu empêcher.
Imaginons le procès d’Eichmann se terminer par la mort inopinée de l’accusé, non-lieu en quelque sorte, face aux victimes et à leurs familles.
Bien sûr que l’envergure n’est pas comparable, toutefois le fait de poursuivre des crimes de guerre en justice a été une première à Nuremberg, et les actes de ce procès, comme plus tard celui d’Eichmann, sont devenus partie intégrante de l’histoire.
Avec sa mort, l’accusé Milosevic ne rentrera pas encore dans les annales de l’histoire – loin de là, car son spectre hante encore ses adeptes dans son pays.
N’est-ce pas effrayant de voir défiler ces inconditionnels du nationalisme serbe pour s’inscrire dans un livre de condoléances – alors qu’ils devraient savoir que celui qu’ils pleurent porte une grande partie de la responsabilité de l’extermination de milliers d’hommes, des viols de tant de femmes, d’une guerre qui laisse toujours sa plaie dans une Europe pacifiée enfin par la volonté de ses peuples.
« Moi, je ne vous ai rien fait, Madame » – la réponse de l’accusé au cours de son procès témoigne bien que le tribunal pénal international est bien faible face à l’envergure des faits qu’il veut juger.
Deux autres coresponsables, Karadzic et Mladic, courent toujours. Et même les trois qui sont épinglés pour avoir commandité les exécutions ont eu besoin de nombreux tireurs pour faire la besogne. Et tous ceux qui ont porté les fusils et visé ? Depuis un demi-siècle, l’union des grandes puissances qui s’affrontaient en deux guerres meurtrières a consolidé la politique de la résolution des conflits par négociation. L’élargissement de l’Union européenne a été un grand élan commun pour guérir du réflexe de la violence et de l’agression. Le fait que celui qui aurait dû être jugé pour « crimes contre l’humanité » revit par sa mort une nouvelle gloire doit nous interpeller.
Car les pays de l’ancienne Yougoslavie qui ont souffert de l’emprise du dictateur Tito qui les tenait de main ferme et d’un régime totalitaire sont fragiles dans leur démarche vers la reconnaissance et le respect réciproques.