Se pencheront-ils (elles) aussi sur les états d’âme de ceux qui ont dit non? Et si c’était à refaire les français et les néerlandais diraient-ils oui aujourd’hui? Et les britanniques, auraient-ils le courage de soumettre à un vote populaire l’adhésion au projet européen?
À priori les écarts entre grands et petits se documentent par les attitudes différentes. La majorité des petits a adopté le projet de constitution – Chypre, Estonie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Slovénie, Slovaquie – tous y ont trouvé leur avantage, la sécurité extérieure les mettant à l’abri d’invasions possibles, les réseaux indispensables à l’économie globalisée, le forum international qui les sortira de l’isolement. Alors, les « grands », comme la France et la Grande-Bretagne? Puissances mondiales jadis, force de frappe, empires d’autres continents, pourront-ils se ranger de bon cœur dans le groupe, alors que tous seuls ils seraient de vraies puissances? Peut-être n’ont-ils pas remarqué que la mondialisation les a rapetissés et que le temps des colonisateurs est définitivement révolu.
Et les Pays-Bas? Ils ne sont pas grands par la géographie, encore que un peuple qui à force de ténacité a transformé la mer en terre ferme, qui a lui aussi été un colonisateur, ne pourra jamais être classé, ni dans le groupe de petits, ni dans celui des grandes puissances. S’ils ont forcé notre admiration pour leur tolérance, leur esprit d’entreprise et leur mode de vie, ils doivent nous inquiéter aujourd’hui par des revers de tendances qui semblent mettre en cause certaines de ces valeurs positives. Ironie du sort, exactement un an après le non néerlandais, le Conseil des ministres des affaires étrangères entame les négociations avec la Turquie.
Rappelons-nous la mort de Theo van Gogh, son œil critique sur le traitement de la femme et le renvoi – pas très élégant – de Taslima Nasrin qui à force de s’insurger contre des pratiques ancestrales est devenue « persona non grata ».
Si c’est à refaire, les Pays-Bas seront-ils à même de se ranger parmi ceux qui se commettent aux valeurs communes?
Leur progressisme sociétal dans des domaines comme l’avortement et l’euthanasie leur a valu la réputation de précurseurs inconditionnels pour l’abolition de tous les tabous. La présentation à la presse d’une association militante de la pédophilie pose toutefois la question jusqu’où la liberté peut entraîner une société, quelles sont les valeurs qui résisteront à ce cheminement vers la décadence qui rappelle les sociétés décadentes de l’antiquité.
Le Conseil européen affirmera très certainement sa volonté de remettre à flot la constitution. Mais il devra aussi s’occuper de l’état d’esprit dans lequel se trouvent les sociétés qu’il souhaite réunir en une union des valeurs communes.