Les abattoirs et site industriels étaient à la mode à l’époque: les halls de Schaerbeek faisaient courir les foules à Bruxelles, et d’autres lieux similaires pourraient être énumérés.
L’idée de faire un lieu de création insolite et autogéré de l’ancien abattoir trouvait sympathie du ministre de la culture de l’époque, qui n’était autre que le premier ministre en personne. Et un autre échevin eschois qui n’était autre que le ministre de la culture après 2004 osa contredire son collègue sur le « trou à rats » et mit la main à la pâte pour faire de l’abattoir une fabrique de culture.
En sortit une convention qui devait lier pour le mal comme pour le pire l’état et son ministère de la culture à la commune eschoise. Mise en chantier douloureuse, car qui veut transformer un abattoir, s’apercevra vite que l’espace est généreux et que pour le transformer en un lieu tant soit peu convivial (les sites et monuments s’étant abstenus de le classer) il fallait un gros budget. Et ni l’un ni l’autre ne voulaient y investir trop, juste assez pour que ça marche et se termine le site-in, rue de Luxembourg à Esch, et que se taise aussi le reproche, qu’un ministre de droite ne pût appuyer la gauche dans son désir d’émancipation culturelle.
Par chance, voire malchance, l’Arbed cessant d’être ce qu’elle était, la région en crise de l’économie et classée comme telle en Europe et le ministre socialiste de l’économie aidant, la manne de Bruxelles fut bienvenue pour s’ajouter aux fonds versés par l’Etat et la commune. Ainsi fut fait du lieu le complément alternatif à la chiquerie des théâtres et salles non seulement d’Esch, ville centenaire entretemps, mais bien au-delà.
La Kufa a vu le jour! Une inauguration splendide avec la présence de toute la prominenz, elle a survécu aux crises de son modèle autogestionnaire un peu mal agencé. Elle a trouvé, après pas même une décennie, sa notoriété, son image de marque, avec un directeur incroyablement idéaliste.
Et la voilà chancelante à cause de problèmes financiers, pas trop graves, mais assez pour maintenir le personnel en place jusqu’au nouveau budget 2007. L’Etat compréhensif de l’impasse momentanée a donné son accord pour aider le vaillant Serge Basso à faire survivre l’institution. À condition toutefois que la commune y mette aussi du sien, comme convenu dans la convention. Mais celle-ci se fait tirer l’oreille. Non pas qu’elle aurait trop dépensé pour les fêtes du centenaire, loin de là, c’est un autre article du budget! Les caisses eschoises seraient-elles plus vide que celles de l’Etat? Un conseiller de droite questionne le collège écolo de gauche!
Bref, la Kufa est apparemment en disgrâce, peut-être son modèle de soutenir la création autochtone ne répond-il plus aux visions de la gauche eschoise, qui d’ailleurs n’a plus besoin de s’émanciper en culture, n’a-t-on pas vu ce que le centenaire a offert comme grands spectacles! Les foules s’en sont régalées, le rayonnement d’Esch a dépassé les frontières, pas étonnant que les autochtones ne font plus le poids… Verra qui voudra, si l’obstination de la gauche aux reines du pouvoir à Esch arrivera à couler le projet Kufa et réussira à faire ce que l’échevin dont question n’a pas réussi. Un nouveau site-in, rue de Luxembourg à Esch? Par la droite? Et les écolos? Tout au plus devraient-ils clamer haut et fort que les fêtes, c’est bien – sauf de la politique durable! Sachant qu’un seul spectacle du centenaire coûtait plus que le budget d’une année entière (le versement de l’Etat compris) de la Kufa, on peut avoir le haut-le-cœur.