Il s’était imposé un calvaire, ne renonçant pas malgré ses déficiences physiques à ses voyages ni au contact par les médias avec ceux qui l’attendaient place Saint Pierre, ou devant la fenêtre de sa chambre d’hôpital. Message réconfortant pour ceux qui souffrent : la maladie et la déchéance n’ont rien de honteux, il ne faut pas les cacher. Message gênant pour une société cruelle à l’égard de ceux qui ne trouvent plus d’emploi parce qu’à l’approche de la cinquantaine (quarantaine pour les femmes), ils sont « trop vieux » pour la vie active.
Jean-Paul II a marqué son pontificat par le rôle politique qu’il a joué lors des révolutions pacifiques dans les anciens pays communistes. Il a cherché la communication avec les autres religions. En 2000, sa demande de pardon pour les fautes commises au nom du catholicisme à l’égard des juifs, des femmes, des homosexuels, des divorcés et des autres églises chrétiennes a été perçue comme un signe de renouveau au troisième millénaire.
Lui qui parlait des besoins de la réévangélisation de l’Europe avait intuitivement senti le vide spirituel qui guette surtout les jeunes, d’où son succès auprès d’eux. Ce pape nous a laissé un héritage lourd de conséquences. N’a-t-il pas eu l’audace de condamner la guerre en Irak et de contredire la superpuissance américaine… le chef de l’Eglise catholique contre l’invasion d’un pays musulman ! Jean-Paul II a été critiqué pour son attitude à l’égard de la contraception et de la morale sexuelle, pour son intransigeance vis-à-vis de l’infidélité conjugale, des rapports sexuels avant le mariage, du mariage des homosexuels.
Ce message n’a pas changé le cours du monde, le pape n’a pas été suivi dans son discours sur la morale sexuelle. C’est un message qui dérangeait, dans une société prônant la liberté individuelle comme le plus grand acquis de l’ère nouvelle. Il a encore été critiqué par ceux qui voulaient faire avancer la démocratisation de l’Eglise, et l’ouverture aux femmes de responsabilités sacerdotales.
Après tout, l’institution, qui a survécu à deux millénaires mouvementés, aura encore de grands défis à affronter. Comment en effet maintenir l’unité du message devant un monde chrétien d’un milliard de personnes vivant dans des conditions de développement économique tellement différentes ? L’Eglise elle-même devra se poser la question de savoir si le message authentique du Christ est encore vraiment présent, ce message du partage, de l’amour du prochain, d’humilité et d’abnégation du pouvoir temporel, cette présence des femmes dans l’Evangile, Marie profondément aimée par Jean-Paul II, Marie-Madeleine, la pécheresse, Marie et Marthe, l’une occupée par son ménage, l’autre en admiration devant la parole de Jésus, la femme adultère devant être lapidée d’après l’ancienne loi juive et que Jésus sauve en demandant que celui qui serait sans faute lui jette la première pierre ! Ces messages n’ont rien perdu de leur actualité et beaucoup reste à faire.
Le successeur de Jean-Paul II sera-t-il celui qu’attendent les Africains, les Brésiliens et tous les pauvres de cette planète, sera-t-il celui qu’attendent les jeunes mères si souvent culpabilisées dans leur double rôle de mère et de gagne-pain, sera-t-il celui dont ont besoin les enfants, enrôlés comme soldats dans les guerres fratricides des adultes, enfants maltraités, utilisés comme objets à la merci de toutes les perversions ?
Pour chacun d’eux le Christ avait une bonne parole. Vraiment beaucoup reste à faire, pour le successeur de Jean-Paul II.