La Constitution soumise à l’approbation des parlements nationaux, soumise aussi à l’approbation des citoyens dans neuf pays, a trouvé le consensus des gouvernements et des parlementaires délégués – nationaux et européens. Déjà l’article 2 en dit long sur le saut qualitatif, car ce texte dépasse le stade des accords qui règlent la vie économique, les domaines monétaires, la libre circulation, voire le fonctionnement des institutions :
« L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté de démocratie, d’égalité, de l’état de droit, ainsi que de respect des droits de l’Homme. Ces valeurs sont communes aux Etats membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la tolérance, la justice, la solidarité et la non-discrimination. » Une Europe des valeurs, dont le but est de « promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples ».
« Une Constitution qui… est appelée démocratie parce que le pouvoir est entre les mains non d’une minorité, mais du plus grand nombre. » Cette citation d’un auteur grec en début du préambule replace le pouvoir entre les mains des citoyens, rappelle que le pouvoir est l’affaire de tous et par conséquent les citoyens européens ont leur mot à dire.
Le préambule parle aussi des « héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe », et à ce sujet le débat a été long, car ne fallait-il pas aller au delà – mentionner Dieu et parler de l’empreinte chrétienne, judéo-chrétienne qui a forgé l’histoire européenne ?
Débat douloureux au vue des souvenirs de tant de guerres menées au nom des religions, débat injuste à l’égard de l’histoire récente de l’après-guerre ! En effet, sans la capacité de pardon enseignée dans les églises chrétiennes, les Allemands et les Français ne se seraient pas réunis autour d’une même table après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale.
C’est un fait que les pères fondateurs de l’Union européenne étaient chrétiens, croyants fervents comme Robert Schuman qui puisait sa force dans la prière, et qui n’avait pas de gêne à avouer sa profonde foi en Dieu.
L’absence de Dieu
La Constitution pour l’Europe sera en ce début du XXIè le signal d’un nouveau départ pour un avenir de paix et de tolérance.
L’article 51 établit le statut des églises et des organisations non confessionnelles. Sa portée est immense, elle retient que « l’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en droit national, les églises et les associations ou communautés religieuses dans les Etats membres ».
L’Europe sera par conséquent respectueuse de la religion de chaque citoyen, le statut des églises sera garanti tel que les lois des Etats l’ont retenu. Pluralisme de la pensée, tolérance et approbation du fait religieux comme une réalité dans notre société sont reconnus valeurs communes. Fini les guerres de religion, menées par souci de pouvoir, d’influence ?
« Au XXIè siècle il faudra réintégrer les dieux », disait André Malraux.
Lui, l’athée, avait bien conscience des limites de la pensée sans dimension de transcendance. Le nom de Dieu a souvent été évoqué lors de cette campagne électorale américaine, prière organisée pour la victoire d’un candidat, le soi-disant combat du Mal. Un essai de récupération des religions à des fins politiques…
La Constitution pour l’Europe ne fait pas référence à Dieu, et pourtant elle garantit sa présence dans nos sociétés. Et si – à l’instar des Etats – les Eglises abandonnaient certains de leurs pouvoirs pour aspirer à l’essentiel, à savoir la transposition dans la réalité de l’amour et de la charité – en Union, comme l’ont fait les Etats ?