La politique des transports en est un bel exemple. Entre 1970 et 2000, le nombre de voitures est passé de 62,5 millions à 175 millions. Un accroissement de l’ordre de 3 millions par ans a été estimé pour l’Europe des Quinze. Le transport de marchandises, par contre, comptera d’ici 2010 une augmentation de 50%.
L’encombrement des autoroutes par les poids lourds ne constitue pas seulement une entrave à la mobilité des particuliers, mais encore un coût substantiel : l’entretien des autoroutes coûterait six fois moins cher si celles-ci étaient uniquement utilisées par les voitures.
Le rêve de pouvoir transporter de la marchandise par le rail de Riga à Barcelone relève, à ce stade, de la science-fiction.
A l’aube de la privatisation des transports, l’on peut se demander si ce n’est pas le monde à l’envers. En tout cas, l’absence d’une coordination des grandes politiques d’infrastructures est totale. Et entre-temps, les quotas de Kyoto pour la réduction des émissions de CO2 entrent en application, alors que la part de marché du transport par rail de marchandises est passé de 21% en 1970 à 8,4% en 1998. Aux Etats-Unis d’Amérique, 40% de la marchandise se transporte par rail.
Conducteurs musicaux
L’avantage concurrentiel de la route est tel que la privatisation des chemins de fer présentera peu d’attrait pour le transport de marchandises. En attendant, les camions asphyxient les routes et les faiblesses du rail sont loin d’être éliminées. A considérer que de Charleroi à Paris un train de marchandises change cinq fois de conducteur, deux pour la Belgique, trois pour la France, et tous les arrêts pris en compte, 18 kms par heure sont la vitesse moyenne. Sur 20.000 trains, à peine la moitié arrivent à l’heure.
Il est évident que le rail a été le parent pauvre de l’investissement public et les quelques liftings opérés pour le transport des personnes – prouvant d’ailleurs que le train peut avoir de réels avantages par rapport à la voiture ou l’avion – ne compensent pas les déficits accumulés pour le transport de marchandise.
Chaque jour, dix hectares de terrain succombent au béton pour de nouvelles routes. En 1982, le PE avait cité le Conseil des ministres devant la Cour de justice pour inactivité. Le rapport de Jacques Delors a entamé la création des TEN’s, des réseaux transeuropéens. En 1996, une directive fixa un cadre de financement et une programmation des travaux.
A peine 20% des travaux prévus en 1996 sont entamés et il n’est pas assuré qu’en 2010 le but fixé en 1996 soit atteint. Les 12.600 km de réseaux à grande vitesse seraient terminés seulement dans vingt ans !
Quant au financement, l’exemple suisse donne des idées ! l’article 196 de la constitution helvétique retient que les grands projets pour dix-neuf milliards d’euros seront financés sur vingt ans par une taxe spéciale pour les poids lourds, les accises sur l’essence et 1% de relèvement de la TVA.
En 1859, le chemin de fer luxembourgeois rejoint les lignes internationales nord-sud et est-ouest. A la fin du XIXè siècle, il comprenait 525 km de rails. Le pays pauvre que nous étions à l’époque avait compris que sa jeune indépendance l’obligeait à organiser la mobilité par le rail et la route.
L’Europe nouvelle devra coordonner les grands enjeux. Le développement durable devra se faire par un rattrapage du rail par rapport à la route. Etant donné l’union personnelle entre environnement et transport, notre présidence aura une chance unique de faire avancer les choses – ce qui sera plus difficile que de gérer les droits acquis.