Le vote de mon amendement de retirer la distribution de l’eau des « services d’intérêt général » a été mon premier succès, et durant les nombreux pourparlers que j’ai entamé pour avoir une chance de réussir, j’ai compris quelle était la complexité de cette position.
Un des rapporteurs de la commission du marché intérieur était un collègue britannique, encore membre du PPE à l’époque. Quand je suis allée le trouver dans son bureau avec ma requête, son étonnement était total. Le Royaume Uni avait libéralisé l’eau en sous Mme Thatcher. Tout comme les fournitures en électricité étaient déjà privatisées, les conduites d’eau étant dans de mauvais états et vu le coût de réparation, la privatisation était un moyen de reléguer le problème au secteur privé, qui en devait faire un domaine économiquement viable. Depuis le prix de l’eau avait triplé!
Là où la pose de conduite ou leur rénovation était trop onéreuse on avait installé un système d’alimentation par fûts, ou le camion passait avec des bouteilles en plastique pour l’eau potable. Ce serait un bon système, économique et donnant satisfaction au consommateur, ainsi le plaidoyer de mon interlocuteur, qui n’avait pas compris que pour moi c’était un combat de choix de société : considérer l’eau potable comme n’importe quelle autre marchandise produite, relevait pour moi de la blasphémie. Soumettre l’eau à des logiques de marché, risquait d’en exclure une partie de la population. A mon tour j’avais compris que le fonctionnement du « service public » vanté dans mon pays comme le moyen le plus sûr, le plus juste, le plus apte à traiter les citoyens avec respect et en considérant leur situation individuelle, n’était pas partout considéré à la même enseigne.
Cette directive a probablement servi aux Eurosceptiques et aux Antieuropéens à gagner doublement : les adeptes de la libre concurrence et du marché n’avaient pas eu gain de cause et ceux qui plaident pour une Europe sociale n’étaient pas satisfaits non plus.
Le texte de compromis a trouvé une majorité, le parlement a « débloqué » le dossier à force d’en retirer les pièces maîtresses .
Déjà certains chapitres réapparaissent, et parions que les casinos et loteries seront parmi les gagnants…le cas de le dire.