L’anniversaire de la Philharmonie sera l’occasion de fêter un succès en cette période maussade de déprime économique. Sa réussite due à une programmation intelligente,au savoir faire de son Directeur Mathias Naske de combiner une offre internationale exceptionnelle avec la présence d’acteurs locaux a fait bien des envieux. Avoir ouvert ce temple de culture « élitiste » au grand public et à la diversité des genres lui vaut aujourd’hui une reconnaissance très large. Seule réclamation à entendre régulièrement: trop souvent elle affiche complet, alors qu’il reste encore des amateurs… Qui l’aurait cru, lors de l’élaboration de ce projet ambitieux? Les cassandres croyaient que l’on aurait à faire à des salles vides, que le public de l’Arsenal n’allait pas (re)trouver le chemin vers Luxembourg. Entre-temps la Philharmonie est devenue la salle phare non seulement de la région, mais elle a trouvé sa place parmi les grandes salles de concert du monde. Le pays a une notoriété noble et certaine: celle d’avoir un joyau architectural avec une acoustique excellente. Au terme de cinq ans de succès ascendant il ne faudra cependant pas se reposer sur les lauriers. La crise économique aura certainement ses retombées: le sponsoring se fait rare, les fondations culturelles n’ont toujours pas trouvé à Luxembourg un terrain propice pour s’installer. La Philanthropie, fondation pour encourager le mécénat, lancée à grands coups de pub par » Luxembourg for finance » ne semble pas trop se soucier du secteur culturel. Ce qui donne du fil à retordre au locataire prestigieux, l’Orchestre Philharmonique, qui semble quelque peu jalouser le succès de sa salle….Arbitrage difficile à faire entre les deux grands projets de la culture musicale: le succès de la Philharmonie serait-il la cause pour la régression des abonnements de l’OPL?
Concurrencé par les plus grands orchestres du monde, le défi est de taille pour l’orchestre « national », qui n’a de national que les finances et la location, les musiciens étant de nationalités diverses, avec des autochtones en minorité écrasante…Ce qui n’est bien sûr pas le problème de l’orchestre, mais l’absence de stratégies coordonnées pour augmenter sensiblement le nombre d’élèves pour les instruments à cordes dans l’enseignement musical. Par ailleurs sa présence en des lieux inédits, comme le hall des sports à Differdange ou le plein air à Diekirch et à Luxembourg a bien prouvé qu’il existe un engouement populaire pour l’OPL, à condition de sortir des sentiers battus, et d’aller à la rencontre de nouveaux (jeunes) publics. Le rapport d’expertise sur la capitale culturelle de 1995 avait relevé que l’OPL était trop peu perçu comme l’orchestre de toute la population. Depuis, les relations entre les musiciens et le grand public ne se sont pas vraiment tissées, mis à part quelques concerts pour la fête de la musique et autour de la fête nationale. Les décisions à prendre sur une refonte des deux structures seront délicates et difficiles, d’autant plus que le chef de l’orchestre ne semble pas trop conscient de ce manque d’ancrage dans le terroir, laissant les concerts hors salle au talentueux Gast Waltzing… La Philharmonie a bien mérité son succès auprès du public , et l’OPL a encore de belles perspectives pour devenir « notre » orchestre. En tout cas, il ne faudra surtout pas déshabiller Pierre….pour habiller Paul….