Le temps perdu de l’enfance.
Après la nième réforme scolaire reste toujours une frustration: a-t-on vraiment tout essayé pour développer chez l’enfant toutes ses capacités?
Le débat sur l’enseignement des langues et les solutions proposées risque de devenir un guet-apens, qui radie de notre système scolaire le dernier bastion d’excellence que le ressortissant multilingue a pu afficher face à des concurrents souvent plus jeunes et mieux formés dans les branches scientifiques. Vouloir rattraper le retard pour les sciences en empiétant sur
l’enseignement linguistique, ce n’est pas la solution juste, ni la réponse à la vraie question. Il est vrai que cette question n’a pas été approfondie tout au long de ce débat de la remise en cause du cursus scolaire, des résultats et surtout des échecs qu’il crée. L’élève scolarisé normalement aurait à sa disposition 15 ans d’apprentissage pour apprendre à parler et à écrire l’Allemand et le Français. Le Luxembourgeois devrait s’y ajouter comme langue parlée. Au cas où l’éducation précoce, voire le nouveau système des maisons relais, aurait rempli sa mission, à savoir le développement langagier de l’enfant en luxembourgeois, un multilinguisme précoce de langues parlées aurait pu devenir un modèle unique parmi les systèmes scolaires européens.
Le multilinguisme précoce, donne des résultats étonnants, lorsque l’apprentissage se fait par l’oreille, par la langue parlée. En effet la langue est d’abord un moyen de communication, faite pour parler, voire même pour chanter! Pendant 15, voire (avec le précoce) 16 années d’apprentissage possibles il devrait être y avoir moyen d’entraîner les élèves à s’exprimer dans plus d’une seule langue. Or, les années de la petite enfance sont malheureusement des années perdues pour un tel apprentissage! Trop peu d’attention au développement des petits cerveaux, négligeant que le petit enfant apprend par ses oreilles, le fait de ne pas lui parler suffisamment est déjà une entrave à sa capacité d’apprendre ultérieurement. Gênant reste le fait que les méthodes d’enseignement des langues n’ont pas été mis en cause, ni l’agencement de l’école primaire à l’enseignement secondaire. Souvent les professeurs présupposent des connaissances qui n’ont pas été transmises par les instituteurs, l’enfant en fait les frais et le cancre est né: l’élève qui ne comprend rien de la matière enseignée, parce qu’il ne maîtrise pas le vocabulaire, ni la structure des textes lui soumis, décroche de la matière enseignée. Quant à l’oral, s’exprimer en allemand ou en français? C’est devenu la gageure de demander que le cours soit fait dans une des deux langues! Dès lors l’apprentissage de la langue parlée, via le débit de l’enseignant ne se fera plus. L’oreille comme instrument d’apprentissage n’entre plus en lice, la langue étrangère était devenue système de sélection par excellence, comme dans le temps c’était le cas pour les mathématiques. Est-ce une raison suffisante pour alléger les exigences, et se tourner vers l’anglais plus présent dans l’environnement des jeunes? Quant à l’engouement soudain pour le Luxembourgeois, langue enseignée (?), parlée maintenant aussi pour enseigner les sciences? Avec tout le respect pour les promoteurs de notre idiome, ce n’est pas servir son développement en supprimant soit l’Allemand, soit le Français de notre système d’enseignement. Le bilinguisme franco-allemand a bien servi le pays pour se tailler sa place au niveau international. Si la pratique de l’anglais laissait à désirer le meilleur remède aurait encore été le stage au pays de Shakespeare! La langue est faite pour parler. Celui qui en connaît toutes les structures grammaticales et qui ne sait pas comment prononcer les mots ne se fera pas comprendre. Quant aux échecs des enfants étrangers, le multilinguisme ne devrait pas être considéré comme la seule cause. Les écoles européennes, multilingues et en tête au niveau européen pour l’enseignement scientifique sont bien la preuve qu’il faut chercher ailleurs. Qu’il ne faut pas en venir maintenant avec les seules conditions sociales, mais aussi réfléchir au phénomène du développement langagier insuffisant des enfants en bas âge. Et là il ne s’agit pas seulement d’enfants de l’immigration! L’erreur fatale serait de faire du Luxembourgeois le seul remède… à un ensemble de problèmes.