Les Capitales de la Culture.
Ruhr 2010, Pécs et Istanbul, de quoi faire un feu d’artifice de la richesse et la variété culturelle! Pécs, première ville hongroise à être nommée, se fera connaître à un large public et à juste titre: cette ville respire la riche culture des Balkans, il suffit de la découvrir comme telle. Quant à Istanbul, ville d’un pays candidat- métropole entre l’Orient et l’Occident, est-il encore besoin de la présenter, alors qu’elle a déjà tous les atouts d’une capitale culturelle? Quant à Essen, ou plutôt Ruhr 2010, la région en restructuration industrielle a fait sien le principe de Luxembourg 2007: non plus une seule ville, mais un ensemble régional, à faire profiter du potentiel de développement lié à la promotion culturelle. C’est la région la plus industrialisée de l’Allemagne, jadis roussie de gaz et d’échappements polluants, les mines de charbon furent sa richesse, mais aussi sa tare, un avenir fortement compromis avec leur fermeture envisagée. De quoi s’inquiéter, et les perspectives ont en effet fortement empiré avec la crise économique et les industries délocalisées. La culture devra renforcer la confiance, redonner une vision d’avenir à toute une région, jadis riche et fière de son activité industrielle. Dire qu’il n’y aurait pas d’identité, pas de particularité valable d’être sauvegardée? Le coordinateur, Fritz Pleitgen, jadis grand Monsieur des medias, veut que la région soit enfin libérée de son image démodée! Le débat serait-il celui du conflit entre l’être et le paraître, le corollaire étant qu’une région noircie de ses cheminées, enfouie sous la crasse des mines de charbon n’aurait pas eu de « culture », sa culture bien spécifique? Le label de capitale culturelle de l’Europe devrait précisément valoriser cet aspect vrai et profond d’une région, avec ses évolutions et son histoire. Certes pour ceux qui n’ont pas connu la proximité des hauts-fourneaux, ni le ciel voilé par les fumées, il vaudrait mieux oublier ce legs d’une période industrielle d’un passé récent … .Ce serait cependant un raccourci impardonnable de l’histoire des gens qui ont vécu les tragédies des mines, et qui n’étaient pas sans culture, qui avaient bien leur façon de parler, de vivre ensemble, de s’entendre sans les fioritures d’un langage érudit! Issues des industries du charbon et de l’acier, ces régions ont forgé les liens profonds de l’Union Européenne. Les transformations ne se sont pas faites du jour au lendemain, la capitale Luxembourg 2007 a bien laissé sur leur faim ceux qui espéraient que la culture et surtout le label européen allaient définitivement abolir les frontières dans les esprits. Ruhr 2010 aura aussi à assumer son histoire douloureuse. C’était le siège de la machine de guerre, lieu de production pour les canons de deux guerres, plus sinistrée que d’autres régions en 1944, renaissant avec rapidité des cendres grâce au succès du charbon et de l’acier en période de reconstruction…L’histoire industrielle de cette région est intimement liée à son identité, à sa culture. Symbole de gloire et de déchéance des affrontements en Europe, Ruhr 2010 devra enseigner cette histoire récente. C’est bien pour cela que le jury a eu raison de lui donner préférence à Görlitz, ville restée intacte des affres de la guerre.