« Vous avez pris vos fonctions dans une période riche en événements », mais « vous avez relevé les défis de la crise Géorgie et de la crise financière », a déclaré en introduction le Président du PE, Hans-Gert Pöttering. Il a remercié M. Sarkozy pour « l’importance » qu’il a « accordée au Parlement européen », notamment en venant s’exprimer 3 fois dans l’hémicycle, en recevant les chefs des groupes politiques à l’Elysée à plusieurs reprises et en invitant des représentants de l’Assemblée pour les cérémonies du 14 juillet et du 11 novembre.
Président Nicolas Sarkozy
« Lorsque la France a commencé à exercer sa Présidence la situation en Europe était marquée par l’interruption du processus de ratification du Traité de Lisbonne » à la suite du « non » exprimé par les Irlandais lors de leur référendum. « Et on n’imaginait pas à l’époque qu’une guerre éclaterait entre la Russie et la Géorgie », « ni la violence de la crise financière à venir », a indiqué le Président français, Nicolas Sarkozy.
« La France a bâti sa Présidence autour de 2 convictions: le monde a besoin d’une Europe forte et il ne peut pas y avoir d’Europe forte si l’Europe est désunie », a-t-il déclaré. « Cette Présidence s’est déroulée au rythme d’événements internationaux qui ont bousculé nos travaux », mais « l’Europe a su rester unie » sur les grandes questions tout au long du semestre, selon M. Sarkozy.
Crise géorgienne
« Quand le 8 août s’est présentée la crise géorgienne, nous avons eu une obsession: arrêter la guerre pour éviter ce qui s’est passé en Bosnie », où l’Europe avait été « absente »: « nous avons négocié le cessez-le-feu du 12 août puis le retrait russe du 12 septembre », a-t-il souligné.
« Finalement la guerre a été évitée, les troupes se sont retirées et l’Europe est restée unie », ce qui « n’était pas évident », surtout pour ceux des Européens qui ont vécu « si longtemps derrière le rideau de fer » et qui ont « une sensibilité différente » à l’égard de la Russie, a déclaré le Président français. « L’Europe a répondu présent sans pour autant s’engager dans une politique agressive avec nos voisins russes ». « La Russie est un grand pays mais elle doit apprendre à respecter nos valeurs », a-t-il encore ajouté
Crise financière et plan de relance économique
Est arrivée la crise financière, qui a commencé « lorsque les Américains ont accepté la faillite de Lehmann Brothers en septembre 2008 », a poursuivi M. Sarkozy. « Nous sommes entrés dans une crise financière inédite dans le monde » avec des conséquences différentes d’un pays à l’autre mais l’Europe a réussi à réunir ses chefs d’Etat et de gouvernement et « nous avons adopté un plan de redressement des banques européennes ». « Au bout d’un mois, toute l’Europe était réunie derrière ce plan unique de soutien aux banques », tandis que les Etats-Unis ont eu besoin de « trois plans Paulson et le troisième n’est rien d’autre que l’inspiration du Plan européen Un », a-t-il relevé. Le Président français a souligné que la crise aurait pu conduire à la faillite de certains Etats membres comme la Hongrie ou du système bancaire européen « si les institutions européennes n’avaient pas pris à l’époque leurs responsabilités ». « Dans la crise financière, l’Europe a été unie », c’est elle qui a été à l’initiative des grandes réunions internationales, et qui a demandé la réforme et la moralisation du système financier, a-t-il insisté.
M. Sarkozy a ajouté que l’Europe avait réussi à définir une politique commune face à la crise économique qui a suivi la tempête financière. « Notre culture, notre identité économique n’est pas la même mais à l’arrivée tout le monde a accepté un plan de relance concerté autour de 1.5% du PIB », ce qui n’était pas facile, avec 27 gouvernements pressés par diverses contraintes électorales.
Union pour la Méditerranée
Nicolas Sarkozy a souligné ensuite l’importance de l’Union pour la Méditerranée (UPM) créée à l’initiative de la France, notamment pour le règlement du conflit au Moyen-Orient. « Il n’y a pas un seul pays au monde qui soit capable de favoriser la paix entre Israéliens et Arabes, l’Europe doit jouer un rôle frontal », elle « doit cesser d’être uniquement un bailleur de fonds, elle doit avoir des convictions et exiger la paix », a-t-il déclaré, soulignant que « les Palestiniens ont droit à un Etat tout comme Israël a droit à la sécurité ». Le Président français a souligné qu’un « représentant israélien sera présent au Conseil exécutif de l’UPM, c’est la première fois dans l’histoire. En échange, Israël a accepté que la Ligue arabe participe aux travaux ».
Paquet énergie-climat
« La bataille fut fameuse », a commenté M. Sarkozy a propos du compromis trouvé la semaine dernière sur le Paquet énergie-climat, et qui doit être soumis au vote du Parlement européen en première lecture ce mercredi, « pour les uns on demande trop à l’industrie, pour les autres pas assez ». La présidence allemande avait fixé l’objectif du « triple 20 » (20% d’émissions en moins, 20% d’économie d’énergies et 20% d’énergies renouvelables pour 2020), « au final l’accord respecte les objectifs que vous vous étiez donnés », a déclaré le Président français aux députés.
« Il eut été insensé, au moment où le futur président US fixe des objectifs ambitieux en matière d’environnement, que l’Europe renonce aux siens », a-t-il souligné. « Pour y arriver, il a fallu convaincre, trouver des voies de compromis », a déclaré Nicolas Sarkozy, justifiant les concessions faites aux nouveaux Etats membres comme la Pologne « dont l’industrie lourde a été sacrifiée par le passage du système communiste à économie de marché. Mais ces pays ont accepté que l’on garde comme référence l’année 2005 plutôt que l’année 1990 qui leur aurait été plus favorable », a-t-il ajouté. « J’ai voulu que le volontarisme en matière environnementale ne se fasse pas au détriment d’une politique sociale. La question était de ne pas mettre ces pays en situation d’explosion sociale pour ne pas qu’ils aient à choisir entre croissance et protection de l’environnement », a-t-il encore souligné.
Nicolas Sarkozy a indiqué avoir finalement « accepté l’unanimité » sur ce dossier, en laissant aux chefs d’Etat et de gouvernement (qui prennent les décisions de manière unanime), plutôt qu’aux ministres de l’environnement (qui décident à la majorité qualifiée) la responsabilité de trancher parce que « le choix de l’Europe en matière d’environnement ne doit pas être subi, il doit être revendiqué » et parce que cette unanimité « assurera le respect des engagements pris ». « La présence vigilante d’un PE déterminé » dans le cadre de la procédure de codécision entre les députés européens et le Conseil qui prévaut sur ce dossier, « a été un puissant facteur de mobilisation des chefs d’Etat et de gouvernement sur le paquet », a-t-il ajouté.
Immigration, politique de défense et de sécurité
« Vous le Parlement européen, avez beaucoup contribué à apaiser un débat sur l’immigration », a ensuite déclaré le Président français, « nous avons maintenant les bases d’une politique commune à l’unanimité ». Faisant allusion au prochain sommet de l’OTAN, Nicolas Sarkozy a souligné que « les 27 doivent désormais comprendre que la politique de défense et de sécurité de l’UE est complémentaire à celle de l’OTAN ».
Réforme institutionnelle et ratification du Traité de Lisbonne
Rappelant qu’il s’était rendu à Dublin dès le début de sa Présidence et avait indiqué à l’époque que « la seule solution serait peut-être que les Irlandais revotent », Nicolas Sarkozy a justifié la décision du Sommet européen de demander un nouveau referendum en Irlande pour pouvoir poursuivre la ratification du Traité de Lisbonne. « Est-ce qu’il n’est pas respectueux de demander à un peuple de s’exprimer à nouveau? », a-t-il demandé, soulignant que 25 Etats membres l’ont ratifié et que le premier ministre tchèque Mirek Topolanek, « a dit courageusement que le Traité peut être ratifié » suite au feu vert de la Cour constitutionnelle de ce pays.
« Je sais que la décision de conserver un commissaire par Etat membre est un effort pour certains », a-t-il ajouté, « mais si on veut des institutions fortes et durables, on ne le peut que si les Irlandais disent oui », a-t-il justifié à propos de cette concession accordée à Dublin.
Le Président du Conseil européen a souligné que les changements apportés au Traité par le « protocole irlandais » ne nécessiteraient pas de nouvelle ratification par les Etats membres qui l’ont déjà fait. En revanche, ce protocole sera ajouté d’adhésion de la Croatie qui pourrait être signé en 2010-2011 et qui devra être ratifié par tous les Etats membres. « Sur cette base, le gouvernement irlandais s’est engagé à consulter à nouveau ses concitoyens avant la fin de l’année 2009. Le Traité entrerait ainsi dans les faits avec une année de retard seulement » sur le schéma original, a relevé Sarkozy, ajoutant : « ce ne fut pas chose facile, mais l’esprit européen, c’est avant tout un esprit de compromis ».
« Vouloir construire l’Europe contre les nations serait une erreur »
« Ce fut pour la Présidence très facile, très agréable et très utile d’entretenir des contacts nombreux avec tous les groupes politiques du Parlement européen », a dit en guise de conclusion Nicolas Sarkozy. « Tous, vous avez montré à votre manière votre volonté de faire progresser l’Europe », a-t-il souligné devant les députés, ajoutant que « cela a été plus facile de travailler avec le PE qu’avec tel ou tel autre interlocuteur ». Qualifiant sa relation avec le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso de « tandem », il a souligné le rôle joué par les chefs d’Etat et de gouvernement pendant la Présidence française. « L’Europe n’est pas l’ennemie des Nations », « vouloir construire Europe contre les nations serait une erreur », a-t-il déclaré.
« Cette présidence m’a beaucoup appris, j’ai beaucoup aimé ce travail et je comprends que les parlementaires européens soient passionnés par ce qu’ils font. On gagne en tolérance et en ouverture d’esprit, et on comprend mieux les positions des uns et des autres », a dit M. Sarkozy. « J’ai essayé de bouger l’Europe mais l’Europe m’a changé ; chaque chef d’Etat et de gouvernement gagnerait à exercer cette responsabilité. Au-delà de ce qui nous différencie, tant de choses nous rapprochent ». « L’Europe doit rester ambitieuse », a-t-il déclaré pour finir, « car il est plus facile de faire aboutir des grands projets que des petits projets »: je « fais confiance à la présidence tchèque pour assurer le continuum ».
Commission européenne
D’après José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, « le bilan du dernier Conseil européen restera dans l’histoire de l’Union », car rarement ont été prises autant de décisions sur des sujets aussi fondamentaux. Cela a prouvé que « l’Europe est capable du meilleur ».
Sur le traité de Lisbonne, « nous avons toujours eu raison de penser qu’en prenant le temps d’écouter les préoccupations de nos amis irlandais, nous trouverions une solution », a estimé le Président Barroso.
D’après lui, l’accord sur le paquet énergie/climat (1,5% du PIB de l’Union, comme la Commission l’avait préconisé) va permettre à l’Europe « d’investir dans nos économies pour les adapter aux défis de demain, et d’investir davantage dans l’Europe sociale et l’Europe des réformes ». Les Etats membres ont unanimement pris l’engagement de transformer l’Europe en une économie verte. Cette décision « historique », si elle est confirmée demain au PE, sera une « victoire de l’Europe partenaire ». La présidence française du Conseil a traversé des circonstances politiques (crise économique, guerre en Géorgie) « d’une exceptionnelle intensité ». Aux yeux du Président de la Commission, elle a fait face à ces évènements « avec maestria et panache ». Dans la réussite de l’Europe partenaire, « je suis fier du rôle central joué par la Commission, par sa solide préparation technique et la pertinence de ses propositions. Elle s’est révélée un levier indispensable pour transformer des inspirations politiques en des propositions concrètes », a-t-il tenu à souligner. C’est autour des propositions de la Commission du 29 octobre et du 26 novembre que les Etats membres se sont mis d’accord autour d’un plan de relance, a-t-il en outre rappelé aux députés. Et sans l’engagement politique de la présidence, il serait impossible d’aboutir à ces engagements : « Je le dis après avoir travaillé avec 9 présidents du Conseil européen », a précisé le Président de la Commission.
Il a tenu à mentionner le travail « remarquable » du Parlement, notamment sur le paquet climat. « Le compromis final porte à l’évidence la marque de cet engagement ». Il a entre autres qualifié le paquet climat de « contribution aux efforts mondiaux et de pierre angulaire de notre stratégie pour Copenhague ». Faisant référence au vote qui interviendra mercredi, il s’est adressé aux députés en leur déclarant : « Vous détenez la dernière clé qui va ouvrir la dernière porte qui va permettre à l’Europe du 21ème siècle de prendre son envol ». Il a considéré que ce vote serait « un message très fort à nos partenaires, notamment américains ». Et d’ajouter : « Nous pouvons dire à nos amis américains : yes, you can! ».
« Soyons clairs », a-t-il ajouté, « il reste beaucoup à faire en faveur du climat, nous devons tourner notre attention vers Copenhague. En matière de finance, nous devons préparer le sommet du G20 à Londres. Une coopération continue et étroite entre institutions communautaires est essentielle ».
Il est important que l’ambition manifestée par le Conseil soit reconnue à tous les niveaux du processus décisionnel. La proposition d’une exonération de 2 ans au titre des aides d’Etat « ne doit pas servir de prétexte pour suspendre les règles en matière de concurrence, une des réussites de l’Europe, avec l’euro, les plus importantes », a-t-il précisé. « En maintenant une Europe de partenariat, nous réussirons pour le bien de tous les Européens », a-t-il conclu.