Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de vous accueillir ici au Salon International du Patrimoine de Paris en tant que Présidente de l’Institut Européen des Itinéraires culturels et ceci au moment même où le Salon a choisi de privilégier le rapport entre le patrimoine et le tourisme.
J’ai été Ministre de la Culture du Grand-Duché de Luxembourg durant de nombreuses années et j’ai toujours eu à cœur de travailler en étroite collaboration avec mon collègue du tourisme car il me semble une évidence que les richesses patrimoniales sont au centre même de l’offre touristique.
Je suis donc d’autant plus heureuse que cet effort de collaboration se soit en même temps traduit très concrètement à deux reprises où la ville de Luxembourg, puis le Grand-Duché dans son ensemble, en coopération avec les régions voisines ont été retenus comme capitale européenne de la Culture.
Il s’agissait là de la preuve matérielle de l’importance d’une offre culturelle diversifiées, ouverte sur le monde, créée grâce aux opérateurs culturels et touristiques pour accueillir des visiteurs et des touristes dont l’exigence vis à vis de la qualité de l’offre augmente, à juste titre tous les jours.
Mais nous avons très vite pris conscience combien il est nécessaire de travailler dans un cadre régional élargi à un espace transfrontalier. Au sein de la Grande Région qui regroupe deux Länders allemands, la Région Lorraine et la Région Wallonie, ainsi que deux communautés linguistiques de Belgique : francophone et germanophone, que nous partageons en effet un territoire. Un territoire, c’est à dire non seulement un espace géographique tracé sur une carte, mais surtout une culture ancienne, qui a laissé des traces profondes dans les paysages très impressionnants qui nous entourent, une culture qui constitue le cœur de notre identité commune.
Ce salon présente des offres qui établissent un rapport étroit entre culture et tourisme et je tiens à vous dire que la réalité de ce rapport, comme l’aide à toutes les actions qui permettent à ces deux termes, non pas de simplement cohabiter, mais de se joindre de manière proactive, est un élément moteur de la politique luxembourgeoise, mais aussi de manière plus large de la politique transfrontalière de la Grande Région.
Nous avons très longtemps mis en avant la devise : « La Culture est dans notre Nature » et on entend bien que les deux termes résonnent ensemble à plusieurs titres.
Mais au-delà de ce travail politique, que je prolonge aujourd’hui au sein du Parlement Européen, j’ai apprécié depuis longtemps le programme que le Conseil de l’Europe a ouvert en 1987 avec les Chemins de Saint-Jacques de Compostelle.
Je suis donc d’autant plus passionnée à présider une structure qui dialogue avec tant de partenaires dans une Europe qui ne privilégie pas seulement l’Occident, mais établit des ponts culturels au sein de l’espace méditerranéen, autant que de l’espace balte, dans les corridors du Sud-Est européen et dans les territoires du Caucase, où les parcours transfrontaliers fondés sur le patrimoine recréent un dialogue interculturel et interreligieux qui est d’abord un moyen de réconcilier des pays qui se sont opposés, avant même de devenir un moteur économique et touristique.
L’Institut Européen des Itinéraires Culturels s’est vu confier par le Conseil de l’Europe le soin de mobiliser les différents partenaires des Itinéraires culturels à l’occasion du XXe anniversaire de ce programme majeur pour la coopération pan-européenne et d’organiser certains des événements les plus marquants.
Nous avons été très fiers de cet honneur et nous sommes heureux d’en présenter les moments forts dans un magazine qui reflète bien tout le travail qui a été fait à Luxembourg pendant dix années pour accompagner, aider et réunir les réseaux européens qui ont la responsabilité de rendre concrets et lisibles par les Européens de grands thèmes fondés sur les valeurs du dialogue et de la coopération.
Mais dans le moment de la célébration vient également le moment de la réflexion pour concevoir des scénarios pour l’avenir d’un programme d’aménagement culturel des territoires de la Grande Europe.
Les itinéraires culturels, dont vous ne découvrirez qu’une partie aujourd’hui, constituent tous ensemble un cadre de travail qui n’a rien perdu de sa pertinence après vingt ans, mais qui, tout au contraire, a acquis une fonction de lisibilité des racines communes d’une Europe qui peut parfois apparaître complexe aux citoyens d’origines culturelles diverses qui y vivent aujourd’hui.
Plus encore, ils proposent des offres de qualité fondées sur une cohérence thématique de la destination Europe que recherchent les touristes venus de tous les horizons du continent, mais aussi d’autres continents.
Je suis de ceux qui défendent dans les instances européennes l’importance majeure de la culture et du patrimoine ; je dirais même son rôle politique, parce que la coopération entre les Etats, les régions et les municipalités qui se trouvent le long des routes et qui composent les réseaux constitue une politique d’aménagement du territoire européen intelligente et participative, et en même temps une politique de la Paix. Et je demande justement aux décideurs des pays membres de placer un effort financier beaucoup plus considérable sur les actions culturelles, et en particulier les actions qui relient les citoyens de l’Europe.
Cette action culturelle est certes à la charge des grands musées, des grands centres culturels dont on connaît et apprécie tous le succès, des orchestres et des compositeurs, des promoteurs de festivals. Ce sont des ressources touristiques qui constituent autant de produits d’appel. Mais je suis certaine que le tourisme culturel doit s’appuyer aussi de manière volontariste sur ce que les professionnels appellent aujourd’hui le « marketing territorial ».
Ce terme insiste de manière forte sur le fait que les touristes veulent retrouver aussi une offre culturelle au sein du paysage culturel : dans les villages où la qualité paysagère a fait l’objet d’une approche concertée, dans les productions locales qui perpétuent ou redécouvrent des formes, des goûts ou des traditions spécifiques.
Et je dirais même qu’avant tout, les touristes veulent se retrouver dans un environnement préservé où l’on ressent une volonté locale des élus, comme des habitants, de montrer à tous les usagers des lieux, et aux touristes les premiers, que le sens de la responsabilité du paysage a été envisagé comme une responsabilité collective et comme un travail à long terme.
L’Institut Européen des Itinéraires Culturels est conscient des enjeux de cette nouvelle phase et y répond déjà répondre grâce à l’aide de la Commission Européenne et à l’intérêt que portent les Etats et le Parlement Européen à cet enjeu de citoyenneté et de développement.
Il n’y répond toutefois que dans la mesure où des promoteurs de grands thèmes européens ont su créer une autre vision du tourisme, à la fois dans toute son ampleur européenne et dans toute sa qualité territoriale et locale.
Encore une fois c’est un plaisir pour moi de les inviter à prendre la parole maintenant en vous donnant l’envie de partir à votre tour parcourir ces itinéraires qui font tant pour la compréhension de l’Europe et donc pour faire de nous des Européens.
Erna Hennicot-Schoepges
Présidente de l’Institut Européen des Itinéraires culturels
Parlementaire Européenne