Ingrid Betancourt, ancienne otage des Forces armées révolutionnaires en Colombie, est venue poursuivre devant le Parlement européen son combat pour la libération des otages restants détenus en Colombie. Dans un discours adressé aux députés lors d’une séance solennelle, elle a rendu hommage à la force de la parole, « la plus extraordinaire des épées », en se référant en particulier à celle du Parlement européen, qui a contribué à sa survie et à sa libération.
« C’est avec une grande satisfaction et l’admiration que je me réjouis de la présence d’Ingrid Betancourt au Parlement européen aujourd’hui », a déclaré le Président du Parlement, Hans Gert Pöttering, en ajoutant : « le fait que vous êtes avec nous ici aujourd’hui, montre clairement que, dans la lutte pour la liberté et la dignité humaine, il ne faut jamais abandonner l’espoir ».
Le Président a rappelé les six longues années de détention d’Ingrid Betancourt. « Vous seule savez ce que vous avez enduré au cours de ces 2321 jours, soit 6 ans, 4 mois et 9 jours ». Devenue un symbole mondial de la de la résistance humaine face aux privations des droits fondamentaux, Ingrid Betancourt est devenue « un exemple encourageant de dignité et de courage pour tout un chacun », a- t-il ajouté.
Le terrorisme est, en soi, a insisté le Président Pöttering, « une violation directe de nos valeurs, de liberté, de droits de l’homme et de démocratie ». Il a estimé que l’exemple d’Ingrid Betancourt démontre également que « les démocrates ne devraient jamais céder au terrorisme », et que c’est « une obligation politique et morale de veiller à ce que la règle du droit prévale ».
Le Président a également rappelé que certains membres du Parlement européen ont travaillé sans relâche pour la libération d’Ingrid Betancourt et a salué en outre la présence dans l’hémicycle de nombreux représentants des divers Comités Ingrid Betancourt.
Il a appelé à poursuivre sans relâche les efforts pour obtenir la libération de tous ceux qui sont toujours privés de leur liberté. Rappelant les propos d’Ingrid Betancourt : « Quand j’étais dans la jungle, j’ai eu un visage et un nom », le Président a rappelé que pour une victime du terrorisme, « le plus grand danger est d’être oublié ». Il a préconisé, entre autres choses, une base de données centralisée pour suivre le sort des victimes du terrorisme.
Enfin, Hans Gert Pöttering a évoqué la célébration du 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 Décembre 1948 en insistant sur l’engagement solennel « de défendre la dignité et l’égalité de tous les êtres humains, indépendamment de la couleur, de la croyance ou de l’origine ». La conférence organisée par le Parlement européen cette semaine a permis de recueillir le témoignage d’un grand nombre de personnes qui souffrent de la répression, d’une détention arbitraire ou d’un exil forcé. Ils se battent pour les droits fondamentaux et les libertés, et le Parlement souhaite les protéger et les aider dans leur travail.
Et de conclure : « pour nous tous, c’est une grande joie de vous demander de demander prendre la parole devant notre Assemblée ».
Le Parlement européen : un exemple à suivre
Ingrid Betancourt a exprimé sa joie de s’exprimer dans l’enceinte du Parlement européen. Elle l’a érigé en exemple, souhaitant même que l’Amérique latine se réunisse dans un Parlement à l’image du Parlement européen, « pour trouver dans le dialogue et le respect les clés d’un destin commun que nous voulons grand et généreux ».
« Tout a commencé ici »
Ingrid Betancourt a tenu à remercier le Parlement européen pour s’être exprimé dès le début de sa détention. « Alors que le monde ne s’intéressait pas au sort des otages colombiens et qu’en parler était tout simplement mal vu », a-t-elle précisé, les députés européens se sont distingués par leur « refus de la résignation » et leur « silence de réprobation ».
Elle a en outre remercié avec émotion le Parlement européen, cette maison qu’elle « sent aussi comme la sienne », pour avoir reçu ses proches pendant sa détention. L’engagement du Parlement était un combat « contre l’oubli ».
Ingrid Betancourt a qualifié le Parlement européen de « plateforme » qui a permis de connaître « l’ampleur de la barbarie » qui sévit en Colombie. Elle a notamment salué « l’absence de violence » comme « fruit de l’exigence et de l’engagement » des députés. « La seule arme en laquelle nous devons croire, c’est la force de la parole. Chaque fois que l’un de vous parle dans cette enceinte, l’infamie recule », a-t-elle ajouté.
Un Statut des victimes du terrorisme
Afin de donner une dimension concrète à son combat, Ingrid Betancourt a en outre évoqué l’idée de création d’un « Statut des Victimes du Terrorisme » et a exprimé le besoin de « donner un espace d’expression aux familles des victimes ».
La responsabilité de la société de consommation
L’ancienne otage des FARC a tenu à faire état de la situation en Colombie, afin de donner une image plus juste de la situation aux députés et de trouver des réponses aux raisons qui font que 3000 otages sont encore détenus. Les jeunes paysans colombiens vivent dans une société marquée par la frustration provoquée par la société de consommation que nous représentons. Alors que « le monde de la consommation qu’ils convoitent est totalement inaccessible », l’organisation de la guérilla offre à ces paysans, victimes de la corruption et de la pauvreté, un toit et un statut. Ils deviennent, « sans s’en rendre compte les esclaves d’une organisation qui ne les lâchera plus, chair à canon d’une guerre absurde ».
Ingrid Betancourt souligne à cette occasion la responsabilité de nos pays européens : « notre société est en train de produire des guérilleros à la pelle en Colombie, des fanatiques en Iraq, des terroristes en Afghanistan, des extrémistes en Iran. Notre société broie les âmes humaines et les rejette comme déchets du système. »
Lutter contre l’oubli
Ingrid Betancourt a finalement appelé les députés à ne pas oublier les otages restants et a cité les noms de plusieurs d’entre eux.
Elle ne s’est pas contenté de mentionner les otages colombiens, mais a également rendu hommage au combat d’Aung Sang Su Khi, « qui paye de sa vie le droit de son peuple à la liberté et qui a commencé une grève de la faim pour se faire entendre ».
Le Président Pöttering a conclu la séance solennelle : « vous nous avez ouvert votre cœur et au nom de toute notre Assemblée, je pense pouvoir dire que, jamais au sein de ce Parlement l’émotion humaine n’a été autant à fleur de peau. Votre souffrance, votre message de solidarité, votre liberté recouvrée donneront du courage aux autres victimes du terrorisme dans le monde ». Il a estimé que ce message était « un encouragement pour tous les députés qui luttent pour la démocratie et la dignité des êtres humains ».
(source: Press du PE)