Grève des producteurs de lait. Pas des vaches, elles ne l’ont pas, le droit de grève. La traite, c’est le soulagement des bêtes. En fait, leur lait est la nourriture de leur progéniture: des veaux. Déviation subtile, les veaux sont nourris à part du lait de leur mère-vache, de céréales assorties de produits sophistiqués pour les engraisser – mais pas trop – et en faire après un temps assez court des bêtes à abattage dont la viande est recherchée. Le lait de la vache, ressource commercialisée à l’extrême pour faire du fromage, des yaourts entre autre, est un objet de discorde. Depuis belle lurette les fermiers touchent le même prix pour le lait de la vache, alors que le prix du lait acheté au supermarché ne fait qu’augmenter. Pas étonnant que le monde de l’agriculture se mette en rage et déverse le lait de ses vaches dans le baquet de ses veaux ou, pire encore, ailleurs, sauf dans les réservoirs des laiteries qui en auraient besoin pour faire du beurre, fromage et yaourts. Déjà la pénurie est annoncée et parions que les prix monteront pour les consommateurs. A voir si les fermiers en toucheront une part. A vrai dire le cycle de la nature a été chambardé par l’industrie agroalimentaire. L’UE a connu le temps de trop-pleins de beurre, ensuite des quotas pour la production de lait, et encore l’interdiction de cultiver toutes les surfaces de terre disponibles. L’on se souvient encore des tomates détruites pour cause de prix dérisoires et des méfaits d’une politique agricole déviée à chaque nouvelle initiative de la Commission européenne par les grands terriens qui tantôt déclaraient des récoltes d’olives là où il n’y avait pas d’oliviers, ou trouvaient d’autres astuces pour toucher les subventions de la manne européenne.
L’intervention du budget européen pour la production de nourriture avait comme premier objectif l’autosuffisance: produire assez pour nourrir la population, garantir le revenu des agriculteurs et maintenir les prix à des niveaux abordables. Depuis, les diverses étapes de la politique agricole commune ont étalé les difficultés rencontrées. De 71% du budget européen en 1984, il est passé à 40% pour la période de 2007 à 2013. Après l’élargissement de 2004 de nouveaux défis étaient à relever.
La crise actuelle entre les producteurs de lait et les grands distributeurs ne serait-elle que le début d’un malaise caché? Les systèmes de subventions et de réglementation étaient souvent perçus comme trop onéreux et bureaucratiques pour les agriculteurs. Aux nouveaux défis, qui mettent en cause les productions industrielles à base de trop de pesticides et engrais chimiques, s’ajoute la production de biocarburants, prévue dans les propositions de la Commissaire Fischer Boel pour sa réforme. L’équilibre restera à trouver, sachant que d’ici 2050 la production alimentaire devra doubler pour nourrir la population de l’Europe. Quant aux prix, le consommateur apprendra que la qualité aura son coût. Toutefois, il appartiendra à la vigilance des pouvoirs publics de garantir la valeur nutritive des produits. Quadrature du cercle: quantité et qualité? Nul ne sera le maître absolu des cycles de la nature et les excès de son exploitation irréfléchie auront leurs conséquences, la nature se vengera.
En attendant la malnutrition se discute au niveau mondial. Plus d’un milliards de personnes avec surcharge pondérale, dont 300000 obèses. Et plus de 800000 en situation de famine…un vrai défi d’avenir.