Les caricatures du prophète et Théo Van Gogh sont des rappels, peut-être aussi la première de l’opéra mozartien Idoménéo, annulée d’abord à cause d’une mise en scène osée, reprogrammée d’autorité ensuite par souci de la liberté d’expression.
Geert Wilders est maintenant le responsable d’une vague d’inquiétude qui fait hésiter les responsables politiques entre le discours franc et décidé en faveur de la liberté d’expression, ou l’appel à la modération, temporisateur d’un conflit entre des cultures différentes qui risque d’escaler tôt ou tard.
Wilders s’y est pris avec malice: son film n’est pas une œuvre cinématographique, mais un collage de documents, de faits, de reportages déjà publiés, ce ne serait pas lui l’auteur, mais ce serait seulement un rappel, une rétrospective en quelque sorte. Théo van Gogh y a laissé sa vie.
On l’a un peu vite oublié!
Un cinéaste est mort de vengeance, parce qu’il provoquait par sa façon de présenter son point de vue. C’était une secousse inhabituelle pour un monde habitué à la liberté d’expression, la prenant comme allant de soi et garantie par les constitutions de nos états démocratiques. Le conflit n’en a pas pour autant été résolu, et en dépit de tous les discours d’inauguration de l’année du dialogue interculturel, l’intolérance et la violence risquent d’avoir à nouveau gain de cause. Difficile à discerner quel est le véritable enjeu, on a de la peine à croire que Wilders veuille « épurer » des textes millénaires qui ont été écrits par le prophète lui-même, selon la foi islamique. Sa méthode est sans doute provocatrice et déjà sa vie est menacée, comme celle de Ayaan Hirsi Ali. Autre provocation: vouloir tuer pour faire taire, la méthode a été bannie de nos habitudes depuis que les conflits sont réglés à la table de négociation, serait-ce encore une fois la réponse?
Pas de progrès, pas d’acceptation d’une liberté qui sans cesse fait atteinte à la sensibilité d’autres religions, sans qu’elles se vengent de la même façon.
De quel droit la sensibilité des uns serait-elle plus respectable que celle des autres?
Quoiqu’on ait du mal à croire que l’action de Wilders ait été dénuée de toute arrière-pensée de gagner en profil – car qui connaissait le député néerlandais, dont le nom fait maintenant la « une » dans la presse internationale – le mal est fait. Même avant que le « collage » n’ait été diffusé, les réactions ont été telles qu’elles ont révélé le malaise.
Pour provoquer, l’action était bien ciblée, pour défendre la liberté d’expression, la réaction était mitigée!
En fait tout provocateur malintentionné mérite dédain et ignorance.
Et si l’action cachait un vrai conflit de société, de générations mal acceptées de part et d’autre?
Souvent la culture a initié les vrais débats de société, avec violence et de force! Combats politiques, introduits par de grands noms, comme Victor Hugo, dont l’exil à Vianden nous rappelle la censure et la persécution d’un autre siècle. Verdi, Beethoven, et tous les autres, dont les œuvres ont entamé la libération, la lutte sincère pour de grandes causes. Leurs chefs d’œuvre sont restés des témoins monumentaux de la grandeur humaine. On pourrait douter qu’il en soit ainsi des collages de Wilders et de la réaction d’en vouloir faire un martyre!
03/04/2008
Le Jeudi