Rien ne va plus à Roissy, Orly, au Bourget et aux aéroports de Paris, les aiguilleurs du ciel font la grève. Parce que leurs services seront déplacés, mis en commun, pour mieux coordonner et gérer les atterrissages sur Paris. Encore une fois, ce sont les passagers qui en font les frais: familles dont le retour de vacances est gâché, et tous les autres pour qui l’avion est le seul moyen de déplacement. La grogne viendrait d’un manque d’information, et supposons que les aiguilleurs français, pas plus que les autres, sont informés sur ce qui se passe en Europe. À Bruxelles, le projet Sesar en discussion depuis 1994 et dont l’avis du Parlement européen a été voté en 2006 est sur le point de démarrer.
Sesar? Ni vu, ni connu? Single European Sky Air Traffic Management Research… Encore une fois, le constat que ceux qui sont les premiers concernés ne sont pas au courant, sinon, les aiguilleurs de Paris devraient savoir que de toute façon, l’adaptation de leur profession à une meilleure technologie est prévue d’ici 2020. L’entreprise commune vient de se constituer, y participent: Airbus, Thales, Services de la Navigation Aérienne, Honeywell International, Sesar European Airports Consortium,… et bientôt, l’Agence Spaciale européenne.
Les travaux de recherche pour mieux coordonner le trafic au ciel sont en cours. La nouveauté de cette démarche résulte bien du constat que là haut, les frontières existent toujours, alors que les citoyens passent avec leurs voitures d’un pays à l’autre sans se rendre compte de l’acquis que cela représente, l’organisation des vols fonctionne toujours selon des principes nationaux. Les pays membres sont détenteurs des « couloirs » qui sont mis à disposition pour l’aviation civile, les espaces militaires ne peuvent être survolés sans autorisation d’instances nationales. L’exploitation des hauteurs, la communication, toujours terrestre et de vive voix, l’équipement des avions de la meilleure technologie, représentent des problèmes techniques à régler.
Enfin, l’aiguillage dépend de la puissance souveraine des états membres, compétence qui devra être transmise en bonne et due forme, c’est-à-dire par des actes d’état approuvés par les instances démocratiques à un organisme international. Eurocontrol dispose d’un savoir technologique important. Encore faudra-t-il l’utiliser dans toute son ampleur. Ces connaissances devraient inciter les gouvernements à être davantage engagés à la suppression des frontières là-haut! Car le passager se plaint, et il a raison, du mauvais fonctionnement de l’aviation civile. Le prix des billets est à lui seul un domaine opaque dont on ne perçoit plus la logique. L’engorgement des aéroports qui oblige les avions à tourner des milliers de kilomètres avant d’être dans la bonne file pour atterrir est un gaspillage d’énergie. La réalisation de la meilleure technologie permettra d’économiser par vol 7% de kérosène, ce sera un apport réel pour l’économie des gaz à effet de serre, plus efficace que les certificats qui se répercuteront à coup sûr sur le prix du billet.
Et pendant que les efforts d’innovation sont à la traîne, les passagers sont obligés à se soumettre à des contrôles vexatoires pour leur sécurité!! Le collapse de l’aviation civile est aussi la conséquence du manque de vision européenne, ou plutôt de sa mise en œuvre. Car depuis l’arrêté de 1994, la coopération est décidée et depuis 2007, un projet technologique sur les rails… Si le déplacement d’aiguilleurs d’un aéroport à un autre dans la même ville pose tant de problèmes, et si les concernés sont si mal préparés à ces projets d’avenir qui touchent leur emploi, la question se pose de quelle manière la France est partie prenante du projet européen Sesar qu’elle a signé et supporté dès le début! Serait-elle mauvais élève à la mise en œuvre des décisions de Bruxelles? Et ceci à l’aube de sa présidence? Parions que bientôt, l’avion présidentiel atterrira à Roissy, Orly, au Bourget… avec ou sans aiguilleurs.
14/02/2008
Le Jeudi