La délinquance juvénile est un sujet particulièrement sensible, qui ne se prête certainement pas à être trainé dans les campagnes électorales. L’opposition entre les adeptes des mesures draconiennes, « à l’ancienne », et ceux du laisser aller, modèle antiautoritaire du tout est permis, ne font pas preuve du discernement nécessaire avec lequel il faudra aborder la question. L’enfant ne nait pas violent, ni agressif! S’il est plus ou moins enclin à des réactions impulsives, l’influence du milieu, de l’éducation et de son environnement, sont des facteurs déterminants. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas d’exceptions, les meurtriers de bonne famille, les « gentlemans » assassins sont des figures recherchées pour le documentaire, voire le procès, devenu littérature. Ce qui est le plus préoccupant dans le débat sur la délinquance juvénile, c’est le réflexe de sanctionner, plutôt que de prévenir. La loi doit s’appliquer aux jeunes, comme toute loi une fois votée par les institutions démocratiques, doit s’appliquer. Le fait qu’un jeune délinquant « profite » d’un certain encadrement n’est que la feuille de vigne, l’aveu gêné de la société, que la déchéance d’un jeune est un échec pour la société entière. Depuis l’obligation scolaire généralisée, ce grand acquis du 19e et du 20e siècle tous les jeunes passent les années de l’apprentissage non seulement scolaire mais aussi de la vie en commun, dans des institutions publiques, entourés de professionnels de la pédagogie et de la psychologie, d’éducateurs formés à ce travail. La famille a certainement son rôle à jouer, déterminant souvent le pré acquis, à réajuster par l’institution publique.
Etablir un catalogue de sanctions échelonné d’après l’âge des délinquants, est une façon de faire face aux victimes d’agressions, sans pour autant donner une réponse à la question de l’après. L’incarcération de jeunes avec les adultes est condamnée, par souci du traitement spécifique qui doit encadrer le jeune. La prévention de la violence comme modèle d’éducation ne semble toutefois pas généralisée.
Dans un monde médiatisé, les hooligans, les jeunes incendiaires de voiture, les agresseurs dans le métro, deviennent vite les héros modernes, les victimes d’une société répressive et perçue comme injuste par d’aucuns. Les sites internet prônant la violence peuvent être atteints par de très jeunes enfants, qui sont parfois incapable de discerner entre la propagation de violence, et l’instrumentalisation d’un nouveau public pour des groupes qui « chantent » des paroles inadmissibles après les horreurs des guerres des décennies passées. L’information des parents, la plupart du temps moins habiles en nouvelles technologies que leur progéniture, fait défaut sur les contenus, de même que sur leurs moyens d’une intervention possible.
Le souffle de liberté, des médias sans frontières, a engendré une très grand créativité qui n’a pas été accompagné par une initiation à l’interprétation de l’image. La recherche sur l’influence à moyen et long terme de l’image sur le comportement et les effets nocifs sur les très jeunes enfants est entamée, sa prise en compte par ceux qu’elle devrait concerner plus directement n’est pas assurée. Les éducateurs cachés, les portables qui véhiculent des images d’une violence particulièrement abjecte – celle qui est « filmée » en direct et renvoie donc le reportage de faits de torture réelle – sont des coresponsables d’une délinquance juvénile croissante. La société que nous sommes devenus ne pourra plus se protéger de la violence par les seuls moyens répressifs de la prison et de la maison d’éducation.
Toutefois, la prolifération d’actes de violence par des jeunes pose la question de la relation à l’enfant tout court. L’enfant aura du mal à se retrouver dans une atmosphère où il aura l’impression d’être objet plutôt que jeune pousse, en devenir, susceptible de se retrouver dans une société qui ne lui a pas appris le respect de l’autre. L’enfant qui n’a jamais été éduqué à l’observation des règles qui gouvernent le fonctionnement en société, ne se sentira pas responsable de ses actes.
Mais parler de tout cela au cours d’une campagne électorale houleuse et envenimée aurait été en trop demander à la politique politicienne. Peut-être la création de jardins d’enfant et le droit d’y avoir une place dès l’âge de trois ans aurait été plus brûlant et plus efficace.