La vieillesse, serait-elle devenue une hantise, un cauchemar, la solitude, l’isolement, marquée de décadence, sans perspectives et sans raison d’exister encore…?
Est-ce là le résultat de tous les progrès de la médecine?
Vivre toujours plus vieux, en meilleure forme physique qu’il y a un siècle, voir l’espérance de vie augmenter d’année en année, est-ce une perspective, tout court?
Vivre – n’est-ce pas aussi prendre une part active à la vie, être estimé, reconnu, pour avoir le poids de l’âge, des expériences vécues que d’autres n’ont pas et ne peuvent pas avoir!
Se sentir utile, avoir des tâches à remplir, une présence à marquer, non pas pour occuper la place, mais seulement pour offrir – gratuitement ce qui manque le plus aux jeunes: du temps. Un temps infini, pour bercer le bébé, éplucher des pommes de terre, raconter des histoires, faire le loup ou le chaperon rouge pour faire rire la petite progéniture. Révolus ces temps, où les grands parents avaient leur rôle attitré, où les maigres retraites ne leur permettaient pas la croisière, ou l’hiver sous des ciels méditerranéens. Les loisirs des seniors alertes et dynamiques sont certainement bien mérités, et en attendant le stade où rien ne va plus, l’inscription en institution est faite, il n’y a qu’à attendre qu’une place se libère. Et pendant ce temps, services et soins à domicile seront là pour parer au plus grave.
Sont-ce là de vraies perspectives pour attendre que cela se termine…à contempler la tristesse d’une vie sans but, ni même les contacts indispensables pour se sentir valorisé aimé, respecté, ne doit-on pas en frissonner? Et dans les institutions, combien sont-ils ou elles qui ne reçoivent jamais de visite, sauf le jour du versement de la retraite peut-être, oubliés, laissés là aux soins du personnel, qui fait ce qu’il peut, mais ne pourra jamais remplacer la famille, le lien avec la vie.
Tu honoreras père et mère, c’est la religion qui le dit. Commandement suprême, précepte du décalogue, qui s’adresse à l’individu, avec la promesse de vivre heureux.
Tu honoreras.
La réalité prouve que son emprise est évanescente. Ce devoir, il est acquitté par l’organisation collective de la prise en charge. L’impôt payé pour financer l’institution décharge de l’obligation individuelle, et de là à raisonner sur des fins de vie silencieuses et « clean », il n’y a qu’un pas. Se décharger de ses vieux. Ne plus les voir dans les enceintes où bat le pouls de la vie. Ils vont mourir deux fois, ces abandonnés, d’une société repue de son matérialisme qui semble tout permettre. Rien ne tue autant que l’indifférence. La ségrégation des vieilles personnes n’est pas l’acquis d’une société évoluée, c’est plutôt une régression de sa civilisation. Le grand âge était perçu comme un don divin,une aura spécifique l’entourait.
Le soin en est confié dès à présent aux professionnels, qui s’en chargent avec engagement. Qui notent aussi l’absence des proches, voire parfois l’indécence de ceux qui s’impatientent que cela se termine.
Décharge d’une obligation morale à rebours toutefois: les enfants qui auront vécu le manque de respect à l’égard des personnes âgées, ne prendront-ils pas la même attitude, ne l’ont-ils pas déjà prise?
Ne faudrait-il pas rebrousser chemin, réintégrer les vieux dans la société, leur accorder voix au chapitre, au lieu de les obliger à s’exprimer dans leurs propres organisations!
Leur donner une raison d’être, un but pour continuer à vivre, un droit à la vie dans sa plénitude.
En voilà un autre débat…