Certaines industries se prémunissent contre la pléthore de règlements européens et quel meilleur moyen que de noyer le poisson dans l’eau, qui en l’occurrence est un Parlement à la merci des souhaits des groupes de pression les plus divers. Cette pratique existe Outre-Atlantique, où c’est un vrai métier, reconnu et parfois même respectable. 145 experts accrédités à Bruxelles pour un seul groupe de l’industrie chimique, 4570 en tout, c’est dire l’envergure qu’a pris cette fonction dans le travail législatif.
En pratique, cela veut dire des centaines d’amendements aux textes de la Commission, des montagnes de papier pour toutes les traductions, un résultat parfois illisible, tant la réglementation européenne devient technique et le travail du parlementaire dans cette broussaille de textes arides et compliqués, pénible.
Pas étonnant que dans son « initiative européenne en matière de transparence », la Commission européenne a proposé un frein à certains excès, en encadrant les activités des représentants d’intérêt dans les institutions européennes. Mais le débat ne fait que commencer: déjà, certains se voient privés de leur badge qui donne libre accès au Parlement, sans aucune restriction à suivre le travail des députés, à les poursuivre au-delà des ascenseurs.
Quant aux moyens de faire pression, ils sont multiples, passons sous silence les cocktails et autres événements sociaux, pour relever la rédaction d’amendements par les lobbyistes jusqu’à leur présence physique dans les groupes de travail des partis. Ceci dit, le rôle du député sera, bien entendu, de garder son indépendance – il n’est même pas susceptible d’être téléguidé par son gouvernement national!
L’idée de limiter le nombre des lobbyistes avec accès au Parlement européen et de créer même une « footnote » à chaque règlementation indiquant quels ont été les intervenants et pour qui ils travaillent, est en discussion. Mais déjà, il y a levée de bouclier chez les ONG comme chez les industries. Serait-ce la preuve que la vraie faiblesse du Parlement européen est l’absence d’expertise propre? Ou le manque de courage politique, qui fait que finalement la prise de décision se résume à l’arbitrage entre les différentes revendications des uns et des autres? Les réformes du Parlement européen devraient lui assurer son indépendance des influences externes, mais il devra mieux assumer le travail de suivi, appelé comitologie… Car une fois les textes arrêtés par le Parlement européen, la Commission et le Conseil des Ministres, les travaux de rédaction finale sont assurés par les services de la Commission. Et vu que le détail est parfois d’une importance capitale, l’entrée en lice des consultants, cabinets spécialisés et autres experts techniques dont parfois d’anciens fonctionnaires, voire commissaires assurera que le texte final convienne, car l’insécurité juridique, ce sera l’affaire de la Cour de Justice européenne…
À bon entendeur, salut – une réforme n’en cachera pas une autre, qui sait?