Erna Hennicot-Schoepges

La rentrée politique est marquée de nostalgie et de mémoire pour un grand homme politique. Après Pierre Werner, Gaston Thorn a marqué de sa poigne son passage à la présidence du gouvernement. Une seule période lui a suffi pour entrer dans les annales comme l’artisan du renouveau et de la montée en flèche du parti libéral – devenu le parti démocratique, le DP. Les nombreuses rétrospectives dans la presse retracent la brillante carrière d’un talent politique à multiples facettes. Il n’y a certes, pas grand-chose à y ajouter, sauf que certaines omissions sont flagrantes et éloquentes; car le passage de Gaston Thorn et de l’équipe autour de lui a secoué le PCS et initié le renouveau du grand parti conservateur. Ignorer que la débâcle électorale de 1974 était aussi due à l’évincement de la candidature de certains jeunes talents au PCS, ce serait oublier que chaque parti politique est marqué par son histoire interne. La révérence à Gaston Thorn devrait, à plus d’un titre, tenir lieu de réflexion aux acteurs de la vie publique, aux égarements de plumes malveillantes, à l’intention de nuire, qui est parfois la seule motivation du discours politique.
Le Parlement Européen lui a rendu hommage lors de sa première session de septembre. Il a laissé ses traces dans la politique européenne. Membre du PE, Président de la Commission européenne, à l’aise dans l’enceinte internationale, son impatience de ne pas voir avancer les choses à la vitesse qui était la sienne, a dû lui causer mainte frustration.

Après son passage à la présidence de la Commission européenne, Gaston Thorn n’a pas fait son « come back » sur la scène politique nationale. En quittant pour Bruxelles, d’autres avaient pris sa place, phénomène fréquent dans les carrières politiques proprement dites, mais il est resté un commentateur acerbe, souvent bien incommode pour son propre parti.

En marge seulement son rôle de mécène est relevé, à tort, car ne fût-il pas aussi un des initiateurs de la fondation Indépendance, qui gère le mécénat de la banque dont il était le président?

Musique (« c’est du bruit qui coûte cher », disait-il), arts plastiques et jeunes artistes, purent s’épanouir grâce à mainte action encouragée par cette fondation. Exemple à suivre: notre pays manque cruellement de fondations à but culturel. Le rideau est-il maintenant tombé définitivement? Gaston Thorn a eu droit à une cérémonie religieuse de grand prestige. Y aurait-il une parole plus consolatrice pour la famille que la perspective de la résurrection, la certitude que tout n’est pas fini, que le défunt continue à être là, quelque part, dans la pièce à côté, comme le dit le poète.

Certes, nombreux sont ceux qui rechignaient à être là en face du clergé qu’ils voudraient reléguer dans le domaine du privé. Un débat qui sera à nouveau d’actualité avec la proposition du gouvernement de conventionner les communautés musulmanes. Quelque soit notre attitude à l’égard de la pratique religieuse et de sa place dans la vie publique, le fait que le besoin des citoyens de valeurs spirituelles est bien ancré dans l’étude des valeurs au niveau européen, prête à réflexion.

La mort et son culte révèlent le profond désarroi devant les thèses de la foi chrétienne qui proclame que c’est le passage à « une vie meilleure », et la mort considérée par les non croyants comme la fin immuable de la vie humaine. Le 21e siècle est marqué par la découverte du génome humain. N’a-t-elle pas prouvé que chaque être humain est unique, irremplaçable, et que sa copie – son clonage – serait un sacrilège.

Ainsi Gaston Thorn aura occupé sa place unique et irremplaçable.