Avec beaucoup de courage, qu’on lui reconnaît volontiers, Mady Delvaux-Stehres a bousculé certains tabous, pour en conserver d’autres. La juste mesure, l’équilibre des changements, ils devront être soutenus par les parents et les enseignants autant que par les professionnels de la méthodologie. Les résultats… on les verra tout au plus après quelques années. En attendant l’évaluation, des milliers d’élèves auront passé leur temps à l’école.
Un an de plus, obligatoirement pour les cancres de l’après-réforme.
Un an à terminer tout ce qu’on n’a pu faire avant? Certes non, car le prolongement de la scolarité obligatoire n’est pas synonyme de prolongement des études: la majorité des élèves reste au delà de l’âge de 15 ans, déjà maintenant.
Un an pour éviter que trop d’élèves ne quittent sans qualification, ou plutôt sans certificat?
Car le certificat de fin d’études n’est en fait pas une qualification, mais la finale d’une obligation de passer autant de temps à l’école.
Est-ce que ce prolongement, qui se lit comme si le temps disponible pour faire le programme ne suffisait pas, serait peut-être le rééquilibrage de certaines évolutions qui ont introduit moins de temps pour plus de programme?
Sera-ce la bouffée d’air frais qui offrira aux instituteurs le loisir d’approfondir, d’élargir le programme proprement dit à des aspects intéressants pour lesquels, sous les contraintes actuelles, il ne reste pas de temps?
Serait-ce peut-être la revanche contre le samedi libre et le partage de l’horaire en tranches minutées ressemblant à un zapping sur beaucoup de matières plutôt qu’à l’approfondissement des techniques du savoir?
Cette année obligatoire en plus, n’aurait-elle pu se situer au début, à la période du précoce qui, rendu obligatoire, aurait surtout profité à l’apprentissage correct du langage et à la prévention de maints troubles de comportement?
Et si l’on avait eu beaucoup d’audace, le recalcul des grandes vacances aurait permis une meilleure répartition des efforts à fournir par les enfants, alors que le raccourcissement des deux mois de grandes vacances trouverait l’approbation de nombreux parents et des responsables des services en charge pour organiser(!) les loisirs des enfants.
Le temps à l’école et le temps de l’école est devenu presque une donnée intouchable. Qui ose y toucher se verra traité d’hérétique, car ce serait synonyme de lèse majesté à l’égard des enseignants qui verraient leur tâche allongée. Or tel n’est pas le propos, et d’ailleurs, même sans un réaménagement du temps d’école, le mécontentement de certains enseignants s’est déjà manifesté. L’école performante aura besoin de suffisamment de temps. Répartie sur les années de l’adolescence, l’obligation de rester jusqu’à 16 ans touchera surtout les redoublants et les faibles qui n’ont pas réussi le passage d’un ordre d’enseignement à un autre.
Or les causes de ces faiblesses se situent souvent au tout début de la scolarisation. Dire que de nombreux enfants de l’âge de la scolarité obligatoire du début, c’est-à dire 4 ans ne savent pas parler correctement et ont de graves lacunes de développement – souvent irrécupérables – le bilan de l’éducation précoce reste à faire! Et avoir le temps au bon moment vaudrait une réflexion, de même que la répartition du temps passé à l’école et du temps passé dans les structures de garde.
Mais changer les vacances équivaut à toucher un tabou. Les exigences vis-à-vis de l’école ne cessent d’augmenter alors que le temps accordé pour l’enseignement n’a pas été étendu – au contraire.
Le temps ne pourra être absent du débat sur les réformes entamées.