L’état de la nation est le sujet du débat actuel à la chambre des députés. Depuis trois décennies, le gouvernement luxembourgeois se plie chaque année à l’exercice, comme beaucoup de compatriotes font chaque année leur « check up », radios, analyses, auscultations, pour détecter les cancers en herbe, les infarctus possibles, le diabète et le cholestérol de trop. D’aucuns connaissent des cas de mort subite, malgré le bilan de santé positif, mais bien sûr, les exceptions confirment la règle. L’assurance à cent pour cent n’existe ni pour l’état de santé de l’individu, ni pour celui des Etats. Car s’il est nécessaire de faire le bilan de la situation économique au jour le jour, on n’est pour autant pas à l’abri de surprises. L’année qui vient de s’écouler en a apporté la preuve… le budget recette serait bien différent sans le marché Arcelor-Mittal, encore que l’on peut se demander si l’état de l’état-nation s’en est amélioré ou au contraire, a entamé son déclin avec une transaction qui, d’après l’ouvrage lui dédié par une journaliste ne serait pas à l’honneur de ceux qui y ont été mêlés, de près ou de loin. Serait-ce seulement un réflexe franco français que d’articuler le patriotisme économique, défendu, il y a un an à peine par le patron français d’Arcelor Guy Dollet?
L’on peut d’ailleurs se demander si les discours répétés allant dans ce sens sont des discours européens? L’ouverture des marchés a été perçue comme une avancée européenne pour contrer les méfaits de la globalisation. Mais au plus tard, lors du débat sur la directive « services » (anc. Bolkenstein), les réflexes nationaux ont joué. Les déboires qu’a connu Airbus prouvent qu’on est encore loin de la grande société européenne. N’est-ce pas étonnant que lorsque l’économie bat de l’aile, le réflexe protecteur se tourne plutôt vers l’état nation que vers le grand marché?
L’esprit d’ouverture, de liberté d’action et de saine concurrence n’est pas encore ancré dans les comportements. Serait-ce la conséquence de la prédominance du social qui a été l’acquis du succès économique de l’après guerre? Le préserver, cet Etat qui prend soin des faibles et des exclus, ne devrait pour autant pas signifier que le chemin doit mener à l’Etat providence, qui dispense de tout effort personnel. Ce qui est vrai pour l’individu, l’est aussi, en d’autres termes, pour les états.
N’est-ce pas aussi bénéfique pour une communauté de viser l’acquis commun? Quant aux entreprises de la nation dont, actuellement, les députés débattent l’état, elles sont déjà européennes, voire globales. Au fil des décennies, le Grand-Duché, jadis fort de sa sidérurgie, de sa compagnie de radiotélévision, de banques prestigieuses sous présidence luxembourgeoise, a vu passer cet acquis à des directions étrangères. Et les retombées sont ressenties à double titre: le patriotisme économique n’est plus dans le vocabulaire et maints cerveaux se sont expatriés, le cordon ombilical étant définitivement coupé, faute de perspectives d’avenir.
Bien sûr, le marché des finances marche bien, les capitaux étrangers en font une place convoitée. Quant au secteur de l’artisanat et des PME, la relève par des nationaux semble compromise.
L’état-nation aura-t-il gardé comme seule fierté le retour au lion sur fond tricolore, alors que les clés de la réussite sont entre les ciels de la bannière étoilée?