Cette rencontre se place dans le droit file de l’agenda culturel international. En effet, alors que la Commission européenne a communiqué son « Agenda européen de la culture à l’ère de la mondialisation » (10 mai) le 21 mai ont eu lieu les célébrations par l’UNESCO de la Journée mondiale de la Diversité Culturelle.
‘Si je pouvais recommencer, je recommencerais par la culture’. Cette citation attribuée au père fondateur de l’Union européenne est doublement fausse : elle n’a jamais été prononcée par Monnet et il ne s’y serait en aucune manière pris autrement !
L’Union européenne a commencé par l’économie, ce qu’Erna Hennicot a souligné en allant encore plus loin. Car en effet, rappelait-elle, l’Union a commencé par l’union du charbon et de l’acier, servant à fabriquer les fusils et les canons. Les peuples meurtris et déchirés par le traumatisme de la guerre étaient occupés à se reconstruire à et reconstruire leurs pays et leurs nations. Et l’urgence et la nécessité de ne plus jamais voir se répéter l’horreur a poussé les fondateurs de l’Europe à unir les économies plutôt que les peuples.
Le traité de Rome n’a donc donné aucune véritable compétence à la politique culturelle de la future Union sauf quelques timides provisions pour restreindre l’importation ou l’exportation dans le but de préserver le patrimoine national (art 30) et encourager l’association de la Communauté avec des pays tiers dans le but de les soutenir dans leur développement culturel (art. 182) la culture étant mentionnée dans le préambule comme ‘élément d’union entre les peuples et de promotion du progrès économique et social’.
Paradoxalement, au cours de son évolution et de la réalisation du marché unique, la Communauté à travers ces Etats membres a pris conscience du danger que pouvait représenter la non-culture ! En effet, les biens et services étant libres de circuler sur le territoire de l’Union, il devenait difficile pour les Etats membres et signataires des traités de justifier leur approche protectionniste en matière de circulation de biens, services et acteurs culturels.
Un des moteurs de la prise de conscience des Etats était celui de la politique audiovisuel. En fixant les conditions de transmission transfrontalière des émissions télévisées dans le cadre du marché intérieur européen, la directive « Télévision sans frontières », adoptée en 1989, a créé un cadre juridique pour la libre circulation des contenus audiovisuels européens dans l’UE. Ce cadre a grandement contribué au renforcement du pluralisme des médias et de la diversité culturelle. Dans ce contexte, la diversité culturelle a été également encouragée par des mesures de promotion des productions indépendantes européennes.
Ce n’est qu’en 1992 que, le Traité de Maastricht a consacré la politique culturelle de l’Union européenne en dotant cette dernière du fameux article 151. Cependant Madame Hennicot n’a pas manqué de souligner les limites de la compétence de l’Union en matière culturelle. En effet les principes de subsidiarité et complémentarité excluent tout acte d’harmonisation des dispositions légales et réglementaires des EM. Cet article place toujours donc les décisions nationales au dessus de la loi communautaire en matière culturelle mais confère à la Communauté une compétence ‘sur le papier’ pour une mission culturelle spécifique.
Une compétence culturelle spécifique avec trop peu de moyens, ont communément regretté les anciennes Ministres de la culture Madame Trautmann et Madame Hennicot. En effet, si l’on compare le budget du nouveau programme culture pour la période 2007-2013 (€400 millions), à celui de la France qui avoisine quelques €3 milliards par an, les limites sont très vite établies. Si les moyens financiers sont insuffisants le paragraphe 4 de l’article 151 (le ‘151-4’), laisse le champ libre à l’action de la Communauté en ce qu’il incite implicitement à une prise en compte de la politique culturelle de manière transversale dans toutes les politiques de l’UE ! Les eurodéputé(s) font ainsi usage de ce paragraphe pour favoriser ‘l’expansion du territoire culturel’ dans tous les domaines politique de l’Union à la manière des questions environnementales, selon Catherine Trautmann.
De son côté l’UNESCO a beaucoup contribué à l’évolution des débats concernant la politique culturelle. Le 18 mars 2007, ‘la Convention pour la protection et la Promotion de la diversité des expressions culturelles’ est entrée en vigueur après sa ratification en un temps et un volume record par 54 Etats ! Les débats au sein de l’UNESCO ont suivi un cheminement parallèle à ceux dans la Communauté européenne. En effet, dans les négociations dans le cadre de l’OMC, il s’agissait pour les Etats de ne pas mettre dans le paquet des négociations leurs biens et services culturels.
Le Conseil de l’Europe depuis 1954 occupe une place à part dans le paysage politique culturel de l’Europe. ‘Avant Rome, il y avait Strasbourg’ a rappelé Madame Hennicot. En effet cette institution par son travail de fond a réussi à faire des avancées essentielles en matière de politique culturelle. En adhérant au Conseil de l’Europe ses membres s’engagent ainsi à favoriser l’étude des langues ; de l’histoire et de la civilisation des Etats signataires de la Convention ; de leur civilisation commune telle que définie par le préambule. Des campagnes tels que ‘sauvez Venise’ ou ‘un avenir pour notre passé’ ont donné une assise forte à cette institution. Madame Hennicot a seulement regretté que la collaboration et la communication entre le Conseil et de l’Europe et la Commission européenne notamment ne soient pas plus effective. En effet, le Conseil de l’Europe célèbre cette année l’année du dialogue interculturel alors que l’Union européenne la célèbrera en 2008 !
Par juste retour des choses, il faut rappeler que la culture représente un poids économique non négligeable avec un chiffre d’affaires en 2003 de €654 milliards et un taux d’emploi de 3.1% sur tout le territoire de l’Union européenne selon l’Economie de la culture en Europe étude publiée par la Commission en 2006.
Reste à savoir si « l’Agenda européen de la culture à l’ère de la mondialisation » communiqué par la Commission au Parlement le 10 mai 2007 aura l’impact souhaité pour donner une réelle impulsion à la politique culturelle de l’Union européenne.