Un demi-siècle de coopération paisible et de développement économique continu a créé un climat d’accoutumance repue, contreproductif au nouveau départ, que devrait prendre la construction européenne après la stagnation des dernières années. Et s’il est besoin de relever les succès accomplis et d’en être fiers, la relance du processus de consolidation et des réformes institutionnelles est nécessaire, même indispensable. Car une Europe qui ne fonctionne qu’à l’approximative ne correspond ni à l’attente des citoyens, ni à l’ambition des visionnaires, qui étaient conscients que l’Europe n’allait pas se construire d’un seul coup, mais que ce serait un processus qui prendrait du temps.
À considérer les progrès de la période révolue, chaque pas vers une union plus forte entre les états membres a été un long et douloureux parcours: 30 ans depuis le premier rapport Werner sur l’union économique et monétaire en 1970, jusqu’à la mise en circulation de l’euro le 01.01.2001! Le marché unique n’est pas encore réalisé entièrement, quant à la libre circulation, elle fonctionne pour le principe, mais les entraves à la mobilité pour les professionnels sont encore très nombreuses.
L’esprit européen bat de l’aile. Le chômage et l’incertitude de l’évolution économique sous les effets de la globalisation pèsent sur l’engouement des citoyens pour la promotion du modèle social européen. Le « chacun pour soi » l’emporte sur l’esprit de solidarité, qui animait les pères fondateurs.
Toutefois, l’analyse fine des sondages prouve que les citoyens attendent plutôt de l’UE que de leurs gouvernements, des réponses aux grands problèmes qui conditionnent l’avenir: la paix et la sécurité, le changement climatique, l’énergie, les transports transeuropéens, pour en citer quelques uns.
Ils ont très bien compris que ces problèmes-là ne trouveront la bonne réponse que dans une démarche commune. Aux états membres à en être conscients et à transgresser, au moins pour ces grands enjeux, les égoïsmes nationaux!
Triste évolution cependant quant à l’état de la coopération transfrontalière dans le domaine de l’économie: la débâcle d’Airbus prouve la difficulté de la création de l’entreprise transnationale.
Le traité de Rome a été devancé par la Haute Autorité du charbon et de l’acier. Les industries sidérurgiques européennes ont mis en commun leur production. Robert Schuman mentionne dans sa déclaration du 9 mai 1950: « la solidarité de production » des industries qui jadis étaient impliquées dans la production des armes pour les guerres fratricides.
Ce traité, qui a expiré en 2002, a été la base d’une coopération économique réussie! La sidérurgie européenne a pu devenir une industrie d’envergure mondiale.
En faisant mention de la solidarité de production, Schuman avait-il pressenti que l’union politique sans l’industrie serait bien faible, et que l’industrie sans la solidarité, dans la seule logique de la plus grande productivité, ne correspondrait pas à son aspiration pour l’Europe?
À quoi bon faire l’union des nations dans l’esprit de la solidarité, si l’économie continue à évoluer dans le seul esprit de lucre!
Plutôt que faire de la constitution le fer de lance, ne serait-il pas judicieux de reprendre cet esprit de la solidarité de production – qui est en fait la base de l’économie sociale, synonyme de la culture européenne et des convictions chrétiennes de Schuman!