Et alors, il se lance dans la haute politique. Clame le besoin que l’Europe s’engage davantage au Moyen-Orient, que les Etats-Unis disent d’abord qui ils veulent exclure, alors que l’Europe paie et intervient trop peu. Et en y mettant son manuscrit, il proclame que la paix serait garantie si Israël et l’état palestinien, à créer sans faute, deviendraient membre de l’Union européenne. Le rêve d’un artiste? L’utopie d’un intellectuel?
Le soir, dans la 9e de Mahler, il déploie tout l’éventail de la révolte, de la rupture avec le passé, de la sublime force de la musique à exprimer ce qui en paroles ne se dit pas.
En 2005, j’avais proposé Barenboim et son orchestre pour le prix Sakharov. Toute fière d’avoir récolté les 37 signatures nécessaires pour pouvoir présenter la candidature à la sous commission des droits de l’homme. Un compromis n’a pu cependant pas être trouvé. Ce prix là, n’a pas été jugé adapté à son action…
Le maître a aussi parlé au sujet de la démocratie, de la difficulté de l’électeur de comprendre les conséquences de l’action politique. Qu’il en résulte une société appauvrie dans laquelle les gouvernants sont obligés d’agir en tacticiens plutôt qu’en stratèges, car pour pouvoir agir vraiment, ils doivent rester assez longtemps au pouvoir. Ainsi, le public est manipulé, laissé dans l’ignorance sur la plupart des problèmes importants. Quelle analyse juste de l’état de la démocratie en Europe!
Daniel Barenboim retrace ensuite l’histoire de l’Europe, par sa diversité, par ses valeurs, et sa place dans le monde à travers sa littérature, sa musique. La culture a souvent été la seule avenue pour la libre expression. C’est le seul moyen de rassembler les peuples en égaux dans le respect réciproque.
À la tribune, le maître fait figure de virtuose, qui maîtrise la parole par la forme et le contenu, et dans le débat, il a la répartie prompte. Si les hommes politiques se font rares dans les salles de concerts, autant inviter les maîtres aux tribunes politiques? Ils ont de quoi communiquer!