Il a légué 37 communautés Emmäus à travers le monde. Son engagement continuera donc, mais aussi longtemps qu’on aura besoin d’organisations de bénévoles pour subvenir aux besoins des plus pauvres, la société n’aura pas évolué dans le sens de l’Abbé Pierre. À vrai dire, la situation du logement a encore empiré. L’appel de 1954 – lequel a été rendu possible grâce au courage de la rédaction de Radio Luxembourg – a eu lieu en des temps de la reconstruction de l’après-guerre.
Le demi-siècle qui s’est écoulé depuis, n’a toujours pas trouvé la bonne réponse au problème du logement. Par son action, l’Abbé Pierre a mis le doigt sur une plaie de la société: plaie qui n’est pas prête à se cicatriser, bien au contraire! L’exclusion due à tant de facteurs est au faîte de son effet néfaste quand l’absence de logement enlève à l’homme sa dignité. L’accroissement du nombre des « sans domicile fixe » montre à quel point la société est devenue cruelle et insensible. Car en fait, seulement en période d’hiver, quand il fait froid, ou en parle, alors que le système de la prédominance des propriétaires laisse grimper le prix de location à des montants inaccessibles pour des smicards. Même pour ceux qui touchent le salaire social minimum garanti par la loi dans certains pays, le poids de la location est tel qu’un seul revenu ne suffit plus à nourrir une famille. Même un rebelle comme l’Abbé Pierre n’a pas réussi à changer l’attitude des pouvoirs publics face à la sacro-sainte propriété privée.
Il est mort au moment même où l’Assemblée nationale vote un texte sur l’obligation des communes françaises à construire des logements sociaux. Symbolique, aboutissement de son action? Certes non, car son sens pour l’amour du prochain et la dignité de l’être clamait aussi son intégration dans la société. Et cela dépasse la ghettoïsation qui risque d’être le résultat de ces actions en matière de logement.
Le réseau d’Emmaüs a déclenché une dynamique extraordinaire, stratégie astucieuse de transferts de biens de l’opulence vers le dénuement. Bien sûr que l’Abbé Pierre n’a pas ménagé ses compatriotes et surtout pas la classe politique – dont il faisait lui-même partie, étant député de 1945 à 1951. Il a tenu des discours qui dérangeaient. L’église a, elle aussi, dû avaler ses critiques. Sa seule autorité était Dieu et sa confiance en Lui, la source dont il puisait ses forces. Cela aussi fait partie de son message.
De passage à Luxembourg en 2003, l’Abbé Pierre a assisté à la première du film de Robert Biver, cinéaste luxembourgeois. « SDF go home », ce film tourné avec beaucoup de sensibilité. Le film sera projeté au PE le 5 mars 2007.