La culture serait par conséquent le luxe que se paierait notre société alors que tout le reste serait indispensable, irremplaçable? Les tunnels, dont le dernier en construction coûtera l’équivalent de 3 philharmonies au moins, confirmé à trois reprises par les parlements et les gouvernements successifs? Les infrastructures sportives sont comme des vaches sacrées: personne ne semble contester ni la coque, ni le reste et surtout pas l’intervention de l’Etat au niveau communal pour des infrastructures toutes nécessaires (?) tant par leur envergure que par leur nombre…
Mais la polémique n’est pas de bon aloi quand il s’agit d’autres domaines que de culture. Serait-ce que là on peut se défouler le plus impunément? Par ailleurs, les gens de culture sont peut-être trop cultivés pour des ripostes du même genre et de toute façon, ils sont trop peu nombreux pour avoir un impact électoral…
Vu qu’il est de plus en plus difficile de faire accepter des perspectives de long terme en politique, le retard en infrastructures culturelles ne sera pas comblé dans les prochaines décennies. Mais vu que certains les considèrent comme un luxe, allons voir ce que nous apporte la philharmonie! 130.000 visiteurs en huit mois, plus que n’avaient espéré les plus optimistes. Enfin, notre pays est affiché positivement sur le parquet international avec une salle qui déjà a sa renommée et qui nous attire les plus grands orchestres, les meilleurs solistes et un public varié de toutes les couches de la population (aussi les étrangers et les portugais).
N’a-t-on pas réfléchi que le passage d’un orchestre c’est aussi l’équivalent d’une centaine de nuitées d’hôtel, que l’argent dépensé revient en partie à notre économie?
La culture est devenue aussi un élément de développement économique. La philharmonie et le Mudam mettront le Luxembourg à l’affiche à l’étranger, tout comme le Casino et Neumünster et tant d’autres. Passé presque inaperçu le fait d’avoir la « une » dans le journal « le Monde », d’avoir une page entière dans le grand hebdomadaire « Die Zeit », la programmation du Théâtre de la ville de Luxembourg nous fait honneur à l’étranger. Si ce n’est qu’un seul exemple pour contredire ce sentiment diffus que les investissements culturels seraient à la base de la dérive budgétaire, la nécessité de (re)développer chez nos concitoyens une espèce de fierté nationale d’avoir réussi à combler cette lacune de l’offre culturelle, n’est pas un plaidoyer évident. Et d’ailleurs, il n’arrive pas à toucher ceux qu’il devrait, ceux qu’on ne rencontre jamais ni au concert ni au théâtre. Et ils sont nombreux d’après les récents sondages. Mais la culture, loin d’être un luxe, devrait être un besoin, une soif quotidienne et un enrichissement permanent. En fait, les infrastructures n’en sont qu’une infime partie nécessaire pour les couches de la population qui ne peuvent pas se payer le luxe de visiter les endroits les plus en vogue tout au long de l’année.
Et c’est là où le discours polémique et l’attitude négative suscités à l’égard de la culture fait fausse route car on se trompe cible : qui veut gouverner aisément a intérêt à ce que le peuple ne soit pas trop intelligent, ni trop éduqué, ni trop cultivé.
Quoi de plus facile que de masquer ses propres insuffisances en les faisant passer – micro à la main – comme le souhait de Monsieur Tout le monde !