La suspicion qui s’est installée depuis les révélations du camp de Guantanamo et la mauvaise tournure de la guerre en Irak ont amené le Parlement Européen à créer à son tour une commission pouvant faire des auditions mais n’ayant pas les compétences juridiques d’une commission d’enquête. Ainsi Amnesty International et Human Rights Watch ont été entendus ainsi que beaucoup d’autres personnalités.
Parmi celles-ci le responsable de la PESC (Politique Etrangère de Sécurité Commune), Javier Solana, qui a rappelé aux députés européens que la lutte contre le terrorisme doit toujours respecter les droits humains fondamentaux, la dignité de la personne et son intégrité physique. L’Union Européenne devant respecter ses valeurs communes, l’emprisonnement de personnes sans jugement serait un viol des droits humains et les déclarations obtenues sous la torture n’auraient pas de valeur.
Suite aux questions des députés, tous reconnaissant les mérites de Javier Solana et le remerciant pour sa disponibilité, celui-ci a rappelé de façon presque caricaturale l’absence de compétences communautaires en la matière. Que faire en effet lorsqu’un Etat Membre viole les droits que vient d’énumérer le Haut responsable? Les articles 6 et 7 du traité de Nice retiennent bien les principes du respect des droits fondamentaux. Quant aux mécanismes qui entrent en vigueur en cas de violation, ils sont compliqués. à la lecture du paragraphe 1 de l’article 7: [1. Sur proposition motivée d’un tiers des Etats membres, du Parlement européen ou de la Commission, le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après avis conforme du Parlement européen, peut constater qu’il existe un risque clair de violation grave par un Etat membre de principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1, et lui adresser des recommandations appropriées. Avant de procéder à cette constatation, le Conseil entend l’Etat membre en question et peut, statuant selon la même procédure, demander à des personnalités indépendantes de présenter dans un délai raisonnable un rapport sur la situation dans l’Etat membre en question. Le Conseil vérifie régulièrement si les motifs qui ont conduit à une telle constatation restent valables.].
On se rend compte que les chemins qui mènent à d’éventuelles sanctions sont longs et tortueux.
Les députés apprennent que le Haut responsable qui est devant eux est en fait le grand impuissant : les Etats membres n’ont même pas l’obligation de répondre à ses questions sur des sujets délicats. Le respect des droits de l’homme ? C’est du ressort de la politique interne des Etats membres. Avec la Constitution cela aurait changé mais en attendant pas de contrôle ni de procédures nouvelles (l’emprisonnement pour demande d’asile ne pourra pas être sanctionné par l’UE).
Bien sûr il y a le Conseil de l’Europe et lui a autorité à demander des comptes. Quant à l’UE, le dossier des avions qui ont survolé son territoire, en connaissance de cause des autorités territoriales, révèle l’absence de démarche commune.
En attendant le Parlement Européen continue ses auditions et veut faire la leçon aux Etats-Unis alors que l’Europe elle risque sous l’égide de la lutte contre le terrorisme de perdre ses lettres de noblesse de terre d’accueil, de liberté et de respect d’autrui.