Toutefois les débats ont prouvé que le problème d’un logement décent à des prix abordables ne se pose pas seulement en terre luxembourgeoise. L’envergure en est telle qu’une inquiétude justifiée s’exprime par des phrases comme l’article 1er de la charte : « le logement est un élément de dignité humaine, une composante essentielle du modèle social européen et des systèmes de protection sociale des Etats-membres ».
Le droit à un logement décent fait partie des droits humains ! Tout ou du moins beaucoup dans l’existence de l’être humain dépend des conditions dans lesquelles il grandit. Le développement de ses capacités intellectuelles et sensitives est intimement lié à son cadre de vie. Le seuil de pauvreté est vite atteint si la question du logement n’est pas résolue en relation avec les besoins vitaux de l’individu.
L’évolution de la cellule familiale et son installation dans la cité au cours de l’histoire en dit long sur sa culture et son niveau de vie. Et il n’est point question de dissocier le logement de la question sociale et de la cohésion de la société dans son ensemble pour en faire uniquement un élément d’investissement et de développement économique.
Ce danger pointe en effet à l’horizon dans un domaine où l’investissement rapporte à long terme un multiple des fonds investis à condition de pouvoir contourner habilement les législations qui protègent le locataire.
Ainsi au malaise du logement social en Europe et au manque de moyens des collectivités locales qui ont la première obligation de pourvoir à des logements décents pour leurs citoyens, la rénovation de pans de rues entiers par des sociétés immobilières provoque un changement de paradigme. Le propriétaire n’est plus l’investisseur individuel – pas toujours très riche mais espérant avoir par le loyer perçu un accroissement de sa pension souvent trop maigre – mais une société anonyme cotée en Bourse et fonctionnant dans la seule logique économique.
Serait-il encore possible d’imposer les règles de la conservation des sites et monuments ? Comment reloger toute une population de locataires à la recherche d’un logement à bas prix en prenant même en compte l’absence de confort ?
En deçà des avantages de l’investissement du secteur privé dans le logement du point de vue urbanistique et de la relance économique qu’il peut créer subsiste la question sociale. La charte met l’accent sur le facteur clé d’inclusion sociale et de préservation de la cohésion sociale dans l’UE et stipule que « l’accès au logement constitue une étape cruciale de la lutte contre la pauvreté (…) ». Le fait de l’accroissement du nombre de personnes sans domicile fixe – labellisées SDF – n’est que le pic de la montagne.
Les niveaux de dégradation jusqu’à cette situation extrême sont nombreux, allant de la vétusté et de l’insalubrité des logements sociaux aux prix exorbitant des appartements nouveaux ou rénovés sans parler de l’inaccessible prix des nouvelles maisons.
Nos compatriotes ont déjà inventé une solution au problème : ils s’expatrient pour pouvoir se payer encore le pavillon individuel avec jardin qui dans le temps consolidait la cohésion sociale dans les cités ouvrières du sud du pays. Car à l’époque les entreprises s’occupaient aussi des problèmes de logement des leurs ouvriers soit en mettant à leur disposition des terrains à bon marché soit, en construisant un parc locatif à très bas prix disponible jusqu’à à la mise en retraite.
Le rôle social joué au début du siècle dernier par l’ARBED fait rêver…
Le constat d’échec ne revient donc pas uniquement aux pouvoirs publics mais concerne aussi les partenaires sociaux et les entreprises.