Un temps d’arrêt pour juger l’acquis serait également de mise. Car en effet, la génération de femmes qui s’apprête actuellement à prendre la retraite en a vu! Commençons par celles qui après leurs études ont choisi de postuler pour un emploi avant de naviguer vers le havre sûr (?) du mariage. Contrat de travail avec la clause qu’en cas de mariage la résiliation était d’office! Impossible d’être fonctionnaire, le service public n’admettait des femmes que comme employées – qui bien entendu en cas de mariage devaient quitter… Pas de mi-temps, ni de garantie d’emploi en cas de grossesse.
Être femme dans les années soixante c’était la précarité de l’emploi, le rejet par la société de la main d’œuvre féminine avec comme motivation tous les problèmes qui se poseraient en cas de maternité!
Bien sûr qu’il y a eu des exceptions comme par exemple l’enseignement. Les petits étaient confiés à des femmes – institutrices obligatoirement célibataires, maîtresses de jardins d’enfants – titre d’une fonction exclusivement féminine pour laquelle une revalorisation a été âprement acquise il n’y a pas même vingt ans. Depuis, fini de l’exclusivité des femmes au préscolaire – quelques hommes, rares exemplaires de leur espèce osent s’aventurer dans la jungle de la petite progéniture!
Et le mariage: la loi mentionnait encore à l’époque, avant 1973, que la femme était soumise à l’homme, c’était lui qui décidait où allait habiter le ménage, pour avoir un compte en banque, elle avait besoin de sa signature. Elles devaient être dociles, les sexagénaires d’aujourd’hui.
Elles se sont battues, engagées là où la société leur donnait l’occasion. Exercer une profession en dépit de l’absence de crèches et de cantines, pas même de réduction d’impôt pour frais de garde – ni d’abattement extraprofessionnel pour compenser la double charge de travail du ménage, elles ont essayé de s’organiser tant bien que mal! Pas de congés pour l’enfant malade, mais les reproches tacites du patron ou des collègues – souvent des femmes – en cas d’absence pour raisons familiales. Nombreuses ont été celles qui ont du abandonner la profession et se faisaient rembourser leurs cotisations sociales pour les besoins du ménage, avec le résultat qu’on connaît!
Et les hommes? Solidaires? Exemplaires: langeant le bébé et cirant les chaussures? Ceux-là étaient plutôt rares, mais ils existaient quand-même.
Les travaux de ménage, partagés équitablement – n’est-ce pas une chimère aussi longtemps que le travail ménager n’est pas reconnu comme valeur économique? Quels seront les hommes prêts à s’engager pour un « non travail »? Le langage dévoile en effet toute l’arrière pensée d’une société axée sur le résultat financier d’un travail, sa valeur en termes de PIB ou la cote de son action en bourse. Un homme qui « ne travaille pas » est ou bien à la retraite ou bien au chômage, alors qu’une femme « qui ne travaille pas » est censée être à la maison, repassant le linge et faisant des confitures.
Pas étonnant qu’à peine un demi-siècle plus tard les femmes n’aient pas encore réussi à forcer toutes les bastions de l’économie et de la politique.
Un seul jour ne suffit pas pour en parler et retomber ensuite dans le schéma des préjugés. Car ils existent toujours. Les faits ne le contredisent pas et les belles paroles… on en a assez vu!