Si d’aucuns tentent de minimiser l’impact de la culture pour la construction européenne, tel n’était pas le discours du chancelier Schüssel, ni du Président Barroso!
Dans son remarquable discours Schüssel a tracé les perspectives sur l’arrière fond de la diversité. « La diversité, c’est notre identité » a-t-il dit, mettant par là en exergue ce que les 25 ont d’un commun accord décidé avec les autres pays membre à l’UNESCO – sauf les Etats-Unis et Israël, qui ont voté contre la Convention sur la promotion de la diversité culturelle, adoptée le 20 octobre par la Conférence générale de l’UNESCO avec 148 voix en faveur.
« La place donnée à la culture et à l’éducation dans une Europe rendue à ses dimensions continentales sera décisive pour faire de l’Union européenne un espace de solidarité effective et contribuer à mettre en échec le seul paradigme de la domination financière et la constitution d’oligopoles dangereux pour la diversité culturelle. » Cette citation de la préface de Chérif Khaznadar, directeur de la Maison des Cultures du Monde, à l’excellent ouvrage d’Anne-Marie Autissier sur « L’Europe de la Culture » en dit long.
Bien sûr qu’il s’agit là de la culture perçue comme l’ensemble de croyances, de modes de vie, de pratiques, de représentations du monde propre à un groupe; donc de tous les éléments qui font la base d’une société. Ceci est d’autant plus important que souvent la culture est considérée comme le superflu, l’événementiel, le domaine qui consomme des budgets sans apporter une plus value économique (!). Considérée dans sa véritable dimension, la culture pourrait donner une nouvelle impulsion à une Europe qui bat de l’aile, elle pourrait insuffler ce complément d’âme à la recherche de laquelle le président Barroso a fait appel dans son discours de Berlin en novembre 2004.
Ne nous y trompons pas, les éléments qui assurent la cohésion d’une société se construisent sur base d’un travail de longue haleine, sur la continuité et sur une volonté politique clairement affichée. Et c’est là où le bât blesse! La culture manque de lobby – non pas qu’il n’y aurait pas de syndicats d’artistes, de gens bien intentionnés qui s’engagent pour « leur » projet dans des domaines bien définis. Et pourtant leur impact ne sera jamais perçu comme ne l’a été par exemple la descente des dockers sur Strasbourg…
Ce qui remettrait l’engagement des éminents représentants de la Commission européenne et du Conseil, à savoir le président Barroso et le chancelier Schüssel, dans le rang des faiseurs de discours auxquels les actes ne suivent pas, à moins qu’ils n’osent enfin formuler la demande d’octroyer à la culture et la dimension d’une politique européenne commune.
Et pour terminer, citons encore Anne-Marie Autissier qui retient dans ses conclusions: « …les européens n’existent pas encore dans les médias ni dans les représentations quotidiennes, ni même à leurs propres yeux. La vision institutionnelle « écrase » toutes les autres possibilités de regards. L’idéal européen démocratique tarde à s’ancrer dans les esprits et dans les pratiques. Soutenir les arts et la culture peut servir la démocratie. Mais il y faut des conditions: un investissement prioritaire sur l’éducation culturelle et artistique pour tous, la solidarité concrète et continue des gens de culture avec les autres parties prenantes de la société, le rejet des corporatismes abusifs, le soutien des singularités linguistiques, culturelles (plus que de la diversité), un investissement fort en faveur du pluralisme – des idées, des médias, des recherches. Pas de mobilité sans ancrage. Pas de dialogue sans réciprocité. Et pas d’Europe culturelle digne de ce nom sans un travail décisif à l’échelle du politique comme dans le registre du symbolique. L’avenir dira si nous sommes capables d’inventer les mots d’une réalité nouvelle. »