La déception au sujet de la proposition de Tony Blair est grande en Europe. Pour ne pas abandonner totalement le « chèque » de la Grande Bretagne, les nouveaux-venus devront payer! La grande révolution, annoncée avec fougue, que la recherche devrait prédominer et que l’agriculture serait réformée, s’émiette à quelques centaines de millions, de quoi mieux financer les PME et les Programmes Socrates, Life + 1 million pour la culture, cache-misère pour contrer les critiques.
Le Président Barroso a dès à présent qualifié la proposition comme un petit budget pour une petite Europe. Finie l’ambition de faire de notre continent l’économie la plus compétitive, la plus solidaire aussi!
À y regarder de près, 25 ministres des finances ont dû se battre pour que chacun puisse rentrer chez lui avec l’annonce d’un succès pour la cause qu’il défendait, le président de la Commission restant bien seul avec son plaidoyer d’augmenter les ressources propres de l’UE pour réaliser les projets d’une véritable Union politique. Mais, vu qu’on ne prête qu’aux riches, le rééquilibrage entre ceux qui avaient le bénéfice de l’économie sociale de marché après la guerre et ceux qui étaient restés sous le joug communiste pendant 50 ans se fera lentement, plus lentement encore après la proposition de M. Blair.
En contrepartie, la politique agricole serait préservée comme le souhaite la France…
Côté recettes – limiter le budget européen à 1,03% du PIB jusqu’en 2013, c’est bien limiter aussi les grandes ambitions communes pour la recherche, pour l’énergie, pour les transports et d’autres domaines où il faudrait des investissements à la mesure des problèmes. Le parlement a demandé 1,07%. Bien sûr, côté Recettes, les budgets nationaux dépendent aussi des taux de TVA. Saint Nicolas n’a pas apporté aux restaurateurs français les taux réduits promis. Pas encore, car le dossier n’est pas clos. Que dire de la démarche en sens inverse des états membres, car alors que l’Allemagne s’apprête à relever les taux, les demandes pour des taux réduits se multiplient. Il faudrait encore que les prix baissent aussi en conséquence… Ce qui reste à démontrer! À noter en passant que le taux réduit sur les CD et autre produits culturels est tombé dans l’oubli.
Côté dépenses – tous les budgets souffrent d’un mal qui les ronge et qui porte un nom à la signification tranchante: l’acquis. Le droit acquis confère la justification de ne pas mettre en cause la chose acquise mais lui donne un pouvoir, une stabilité, une force…
Vouloir modifier un droit acquis équivaut au lèse-majesté et seulement ceux qui l’ont essayé savent de quoi ils parlent!
L’acquis est la hantise de ceux qui doivent équilibrer les chiffres: que leur reste-t-il en moyens créatifs pour réajuster voire réactualiser les dépenses?
L’illustration que certains acquis sont périmés, comme par exemple les indemnités de vélo, ou les indemnités pour dépaysement culturel accordées à certains fonctionnaires européens détachés à Luxembourg, en dit long. Et quant aux droits acquis plus substantiels, qui, si on y touchait, mettraient en ébullition trop d’esprits bien pensants. Qui oserait encore y toucher ?
L’acquis communautaire pour sa part correspond au socle commun de droits et OBL qui lie l’ensemble des Etats membres de l’UE. Le fait de mentionner en dehors des droits aussi les obligations met les financiers de l’Union dans l’embarras. Comment Tony Blair peut-il expliquer aux nouveaux états membres qu’il était le moteur pour leur entrée dans l’Union, (il l’est aussi pour la Turquie) mais que son chèque a priorité sur la cohésion sociale, laquelle n’est pas encore un droit acquis mais bien une obligation scellée par l’accord de tous!