Peut-être que c’est le nouveau pape lui-même qui a pris cette initiative – lui qui avait les rênes en main pour l’organisation du conclave. Cela voudrait-il peut-être dire que le cardinal Ratzinger était compréhensif à l’égard des faiblesses humaines, et que donc le pape Benoît XVI ne serait pas seulement le grand dogmatique, le penseur, gardien de la fidélité aux traditions millénaires, le juge sévère qui a empêché son Eglise allemande d’offrir conseil et consolation aux malheureuses qui avortaient.
Etonnantes, les masses de fidèles présents sur la place Saint-Pierre à Rome, dans le lieu de naissance du nouveau pape en Bavière, à Notre-Dame de Paris, témoignant que l’Eglise catholique est là, bien vivante, et plus communicative que jamais. Le choix commenté de diverses façons laisse entrevoir quelques modernistes déçus, mais selon le principe de l’obéissance les fidèles s’en vont prier pour le nouveau pape. En tant qu’institution, l’Eglise est souvent critiquée pour sa façon d’agir autoritaire et non démocratique. Pourrions-nous imaginer une « élection démocratique » du souverain pontife – avec campagne électorale et préselection des candidats, comme cela se fait dans nos institutions démocratiques ?
Churchill a qualifié la démocratie de « moins mauvaise forme de gouvernement », et l’abbé Pierre, avec qui je me suis entretenu sur l’Eglise catholique m’a répondu qu’il faut la considérer « dans le temps ». Avec Benoît XVI à la barre, le vaisseau naviguera dans la confiance qu’il est en de bonnes mains et c’est finalement cette confiance de ses fidèles qui lui donne sa force survivre en dépit de l’adversité d’un monde qui conteste la rigueur de ses règles.
L’élection d’un pape de nationalité allemande mérite un autre commentaire. Jean-Paul II a conforté les polonais non seulement en contribuant à faire tomber le communisme, mais en leur rendant une fierté qui avait été lésée par plus d’un demi-siècle d’oppression nazie puis communiste. Le nouveau pape est né dans l’entre-deux-guerres, sa jeunesse dans sa Bavière natale a dû être marquée par son enrôlement à 16 ans dans la Flak en 1943, sa désertion en 1944, son emprisonnement dans un camp américain comme prisonnier de guerre. Il a vécu l’après-guerre en Allemagne aux Universités de Bonn, Münster et Thübingen – où il a été le collègue de Hans Küng – et à Regensburg.
Les Allemands sont presque aussi fiers de son élection que ne l’étaient les Polonais précédemment. Dans les couloirs du Parlement européen, les SMS fusaient et même les Polonais étaient si enthousiastes qu’ils envoyaient des courriels : « Habemus Papam – Pope Benedictine XVI ! »