La Constitution élaborée démocratiquement par la “Convention”, organe composé de parlementaires nationaux, européens et de représentants des gouvernements, rassemble en un seul texte tous les textes des traités tels qu’ils ont été arrêtés et ratifiés par les parlements nationaux depuis 1957. Rien de nouveau donc ? Bien sûr que la version finale du préambule est un compromis, et les accords qu’on a trouvés sur le fonctionnement des institutions n’est pas satisfaisant. Mais rejeter d’emblée le travail de constitution de plus de quarante ans de construction européenne, c’est un peu de populisme et beaucoup d’irresponsabilité. En votant non, aucun des pays ne sortira de ce seul fait de l’Union. De tous les traités qui ont été ratifiés, la Constitution est le seul à arrêter un mécanisme de sortie.
Il est sans doute difficile de faire passer le message historique, surtout dans une athmosphère de ras-le-bol où tous les maux dont souffrent nos économies sont imputés à “Bruxelles” et ses réglementations “insensées”. Notre pays a été membre fondateur de la première entité qui s’appelait à l’époque “marché commun du charbon et de l’acier”. La longue histoire européenne du Luxembourg a été le résultat du sentiment d’impuissance à l’égard de nos grands voisins. Dès l’entre-deux-guerres, le patron de l’ARBED, Emile Mayrisch, avait rassemblé français et allemands pour essayer d’éviter ce qui se dessinait déjà à l’horizon : une nouvelle guerre, sur le fond d’une Allemagne humiliée par le traité de Versailles et d’une crise économique dramatique.
A Colpach, se discutait déjà l’idée d’une Grande Europe, et le fondateur du mouvement paneuropéen Koudenhove Kallergi, hôte de Colpach, a eu droit à une rue à son nom au Kirchberg. La Constitution européenne n’est pas l’aboutissement, mais le début de la véritable construction européenne. L’oeuvre accomplie jusqu’à présent a eu son plus beau succès avec l’introduction de l’euro, une idée de Pierre Werner qui, visionnaire, faisait dès 1970 la promotion de la monnaie unique et de l’union monétaire.
Si les sondages parmi nos compatriotes n’ont fait que baisser, quant à l’adhésion au “oui” à la Constitution, c’est bien la preuve qu’il faut un supplément d’information et de débat. Et notre présidence au Conseil européen est à la fois une chance… et un risque. Nombreux ont été ceux qui n’ont pas apprécié la menace du premier ministre de s’en aller si le non l’emportait. En Européen convaincu, Jean-Claude Juncker risque de prendre comme un désaveu personnel ce qui serait à vrai dire la rupture avec une continuité politique qui pendant un demi-siècle a fait la richesse du Luxembourg. Tous les grands hommes d’Etat de notre pays étaient des Européens convaincus. La mémoire de Pierre Werner, Joseph Bech, Gaston Thorn, Jacques Santer et même Jacques Poos, et bien d’autres, en serait entachée. Les grands partis politiques ont à tout moment eu le réflexe européen, au bon moment, quand la majorité qualifiée l’exigeait pour la ratification des traités.
Voter pour la Constitution, c’est avant tout mieux savoir ce que fait, ou ne fait pas, l’Europe. Il est donc essentiel d’informer, ce que j’essaierai de faire.