Tous les habitants du pays ont admiré son élégance, sa tenue sans faille et la dignité avec laquelle elle a représenté notre pays. Son sens du devoir, de la bienséance, sa retenue naturelle donnaient d’elle parfois une image de distance – qui disparaissait au moment où elle serrait les mains, où elle approchait les personnes âgées ou les handicapés lors de ses nombreuses visites dans les institutions du pays. Jamais elle n’aurait oublié de serrer une main tendue, fût-ce au-delà du premier rang des personnalités officielles.
A l’exemple de sa grand-mère, la reine Elisabeth de Belgique, la grande-duchesse Joséphine-Charlotte avait une affinité spéciale pour la culture. Sa collection d’art contemporain était réputée parmi les collectionneurs, elle-même reconnue experte de grande qualité. La pudeur qui l’incita à ne montrer que tard dans sa vie une partie de ses œuvres était liée à la crainte que son image auprès des Luxembourgeois fût altérée. C’était son jardin secret. Chaque fois, lors des rencontres privées avec des artistes elle m’apparaissait transformée, d’un enthousiasme contagieux. Perspicace dans ses jugements, elle avait une grande sensibilité pour le vrai, l’authentique. Son goût pour la musique était à coup sûr l’héritage d’une grand-mère qui sut faire de la Belgique, par la création du Concours Reine-Elisabeth, le centre de l’intérêt du monde musical international.
Jeune princesse, elle a côtoyé tant de lauréats qui sont devenus par après des solistes internationaux de haute renommée. Ses contacts personnels avec les musiciens s’étaient établis dans la durée. Menuhin, Rostropovitch, étaient parmi tant d’autres des familiers, ses amis. Tout au long de la reprise de l’Orchestre de RTL et de sa transformation en Fondation Henri Pensis elle voulait être informée, et grande était son impatience de voir aboutir le projet de la salle philharmonique.
La place laissée à la musique lors des funérailles était de mise, la qualité des prestations à la mesure des aspirations de la grande-duchesse Joséphine-Charlotte. La musique militaire l’accompagnait sous la direction du chef André Reichling, non pas par des marches funèbres, mais par des marches de procession, toutes d’auteurs luxembourgeois. Elle aurait apprécié la finesse du programme musical à la cathédrale, depuis le prologue jusqu’à la sonnerie nationale, du programme qui plaçait Jos Kinzé avec son admirable « Nu loss et an dir stëll ginn » à côté de Bach, Barber, Chostakovitch, subtile révérence pour nos compositeurs luxembourgeois.
La présence des membres de l’OPL et la participation de Vladimir Spivakov – le chef invité pour le concert de l’OPL – l’aurait touchée, de même que les cinq chorales luxembourgeoises réunies sous la direction de Pierre Cao et Jean-Paul Majerus. La grande-duchesse aurait remarqué le tempo ralenti du Wilhelmus joué non pas comme de coutume en entrée joyeuse de nos souverains mais en marche triste, ultime. Elle aurait aimé la pudeur de l’Ave Maria qui a fait couler les larmes, apprécié le pianissimo avec lequel les chorales entonnaient la deuxième strophe de l’hymne national. La grande-duchesse aurait remercié les artistes, les chefs des chœurs pour une prestation de professionnels, l’organiste-compositeur Carlo Hommel pour sa grande maîtrise, le premier violon Philippe Koch à l’instar de tous les musiciens de l’OPL, elle leur aurait serré la main comme elle l’a fait tant de fois…
Hommage digne de la grande Dame qu’était la grande-duchesse Joséphine-Charlotte, hommage perpétué en la salle philharmonique qui porte son nom et à l’ouverture de laquelle elle aurait tellement aimé assister. Madame, vous nous manquerez.